Nombre de messages : 32 Age : 17 Localisation : Sud de la France Profession : Lycéen (presque un métier) Loisirs : Jeux vidéos, lecture, écriture, création de langues... Date d'inscription : 01/02/2022
J'aimerais vous parler des couvertures des romans de SF et Fantasy des éditions Pocket dans les années 80-90. Ce sont des couvertures que je n'explique pas, elle sont moches et pas attirantes pour le lecteur. Argentés, avec une toute petite image (et qui bien souvent n'a pas grand chose à voir avec le bouquin) et du texte (c'est à dire le début du livre) sur la 1ère de couvertures ! C'est laid ! Une photo de quelque uns :
Avez-vous connus ses couvertures ? Qu'en pensez-vous ? Et par dessus tout, savez-vous pourquoi ils ont fait un choix de design pareil ?
Julien Noël Novice
Nombre de messages : 17 Age : 34 Date d'inscription : 27/11/2018
Je ne poste pas souvent par ici, mais ton sujet m'a fait sourire.
J'ai bien connu ces couvertures, oui. Et, pour ma part, je les considère avec une certaine indulgence teintée de nostalgie, car c'est dans cette collection que, adolescent, j'ai découvert nombre de séries qui m'ont beaucoup influencé. C'est vrai que la charte graphique est étonnante. Pour leur défense, le violet et le jaune sont théoriquement des couleurs complémentaires, même si on les voit rarement employées de la sorte pour des titres.
Certaines couvertures étaient tout de même plus réussies que celles que tu montres en exemples. Celle-ci, par exemple. (Bon, il y a le problème du male gaze : de pareilles, on n'en verrait plus aujourd'hui. Mais les codes étaient très différents, à ce niveau-là, en 1989.)
Personnellement, le côté symbolique des images ne me dérange pas tant que cela. J'ai l'impression que baser directement l'illustration sur le contenu du texte produit souvent des résultats plus kitch encore. J'ai à l'esprit les romans de Mercedes Lackey (la série des Hérauts de Valdemar) : je trouve les couvertures des rééditions chez Milady plus moches encore que les versions originales parues aux éditions Pocket…
Dernière édition par Julien Noël le Sam 5 Fév 2022 - 22:13, édité 1 fois
Patfine aime ce message
Patfine Apprenti
Nombre de messages : 32 Age : 17 Localisation : Sud de la France Profession : Lycéen (presque un métier) Loisirs : Jeux vidéos, lecture, écriture, création de langues... Date d'inscription : 01/02/2022
C'est vrai que vu que ce sont les bouquins de mon père, j'ai un certain recul et moins de nostalgie pour ces couvertures. Au niveau des illustrations, je trouve qu'effectivement il y en a des sympa, mais certaines essayent de reprendre le texte plutôt que la symbolique et on se retrouve avec un Elric blond qui n'a rien d'albinos et des Star Wars la croisade noir du Jedi fou avec un simple artwork des précédents films qui n'ont rien à voir avec les bouquins. (Par contre les McCaffrey sont assez réussi dans l'ensemble)
Herbert West Maître d'armes
Nombre de messages : 1298 Age : 47 Localisation : Lille Date d'inscription : 25/10/2018
J'en ai un certain nombre, de ces couvertures, à la maison, voire un nombre certain, les livres ayant été achetés à l'époque - comme pour ton père, probablement, Patefine. Il faut savoir qu'à leur sortie, ce fut une petite révolution. Rapide retour en arrière...
01- Cailloux dans le ciel, Siudmak, 1974
Pour en revenir aux origines, commençons tout d'abord avec ces éditions Presses Pocket (gros soupir nostalgique... ce nom) dont les débuts datent de 1977. Mon premier achat sera Le prince des étoiles, de Vance, opus d'ouverture de la « Geste des Princes-démons », suivi des Dune, que j'ai essentiellement dans cette édition, et avec ces fameuses couvertures aujourd'hui quasi iconiques.
02- Dune, Siudmak, 1980
Tu retrouves dès le début l'illustrateur référentiel de l'époque, Siudmak (un peintre polonais) qui illustrera la grande majorité des couvertures de SF chez Pocket. L'idée était bien sûr d'avoir une identification visuelle de la gamme. Comme il n'était pas possible pour Siudmak de tout lire, il y aura forcément des illustrations déconnectées de l'intrigue, ou réutilisées par Pocket (ex : Ce monde est nôtre avec La chaîne brisée, du cycle de « La romance de Ténébreuse »).
03- Ce monde est nôtre, Siudmak, 1977 ; La chaîne brisée, Siudmak, 1989
Alors Pocket ne fut pas la seule maison d'édition à avoir un illustrateur attitré. J'ai Lu, dont la collection SF démarrera en 1970, faisait très régulièrement appelle à Tibor Csernus, un artiste hongrois assez éloigné de Siudmak. Ce dernier se revendique de l'hyper-réalisme en fantasie alors que Csernus propose un réalisme déconstruit où le réel s'articule avec le décor, nous offrant des représentations austères, hachurées, mais marquantes visuellement.
04- Destination univers, 1973 ; Les Maîtres-feu, 1982 ; Le mondes des A, 1989, tous de Csernus
On pourra alors remarquer que dans ces années, la construction des couvertures est sensiblement la même : une pleine illustration, avec en haut le nom de l'écrivain, et juste après, en gros, le titre de l'œuvre.
À l'orée des années 90, il est temps de dynamiser tout cela. Déjà avec l'arrivée de nouveaux illustrateurs, comme Caza, mais aussi avec la déconstruction de la couverture qui va se compartimenter. J'ai Lu va arborer son bandeau gris argent sur la gauche (que je n'ai jamais apprécié) et Pocket va opter pour plus de radicalité en proposant ce que l'on appelle les Presses-Pocket gris à double couverture (après l'ère des Presses-Pocket noirs). Car, et c'était vraiment génial, on avait l'auteur en gros, le titre en petit, l'illustration dans un coin et le début du récit en couverture. Pourquoi génial ? Et bien parce que ce qui est mis en avant dans cette maquette, c'est le récit, la narration : auteur + texte. L'illustration pleine sera la deuxième couverture, sans texte aucun. On profite donc des deux. J'adore ces éditions. À cela, un peu comme un jeu de piste, se rajoute des codes couleurs très particuliers pour identifier le genre : science-fiction en bleu, dark fantasy en rouge, fantasy en rose (que beaucoup décrieront), science-fantasy puis S.-F. en violet. Autant dire qu'à l'époque, on s'est pris un sacré coup dans la gueule.
05- Les cavernes d'acier, 1999 ; Gandahar (chez Denoël), 1997 ; de Caza
06- Champ mental, 1990 ; Le cerf pâle, 1994 ; de Siudmak
07- La chanteuse-dragon de Pern, 1993 ; Le chien de guerre et la douleur du monde, 2000 ; de Siudmak
Les années 2000 verront une tentative d'uniformisation de la forme et du fond où la structure vient épouser l'image (J'ai Lu), ou alors se fondre dans l'image (Pocket). C'est beaucoup plus léché, plus harmonieux... mais au final, selon mes goûts personnels, bien plus fade. Tout est lissé, les illustrations s'assagissent et sont, à mes yeux, bien moins marquantes, dérangeantes, flamboyantes. Siudmak s'essouffle (je trouve qu'il fait alors un peu toujours la même chose) et ses quelques remplaçants (Waterhouse par exemple) sont, toujours selon moi, d'une fadeur affligeante (même si je sais qu'il s'agit d'un peintre préraphaélite à qui on n'a rien demandé, sauf que ses toiles s'accordent mal à de la fantasie, je trouve, ou à tout le moins, à cette forme de fantasie moderne ; sur un William Morris, je n'aurais rien dit). Bref, pour le dire sans trop de vulgarité, on s'enquiquine (mais c'est souvent beau, voire poétique, ou d'un réalisme atmosphérique).
08- Le crépuscule des elfes, 1998, de Waterhouse ; La saison des conquêtes, 2003, de Cremet
Alors, peut-on dire qu'elles sont laides, ces couverture des années 90 ? Et bien disons qu'il s'agit vraisemblablement d'un problème générationnel. À l'époque, rappelons-nous, pas de photoshop, nous étions encore en terre patriarcale (mais si, vous savez, ce mâle fier et dominant aux pieds duquel sont allongées, lascives, quelques femmes revêtues de leur seule admiration soumise ; quand elles ne sont pas mises en avant dans des tenues d’Ève) et la SF pouvait être encore parfois franchement stéréotypée (les couvertures des premiers Fleuve Noir avec vaisseaux spatiaux archi-rétro, scaphandriers, planètes exotiques peuplées de dinosaures, lasers et tout) ou au contraire ultra conceptualisée (les couvertures biomimétiques obtenues grâce à la technique de l'héliphore de la collection Ailleurs & Demain)... La SF et la fantasie émergeaient d'une longue nuit, en France, et il fallait donc donner envie de lire, d'acheter, de découvrir. Ces couvertures correspondaient parfaitement aux attentes des lecteurs et ont, à mon sens, totalement rempli leurs fonctions. Maintenant, probablement qu'elles sont aujourd'hui datées et qu'un jeune lecteur aura du mal à se faire sien un imaginaire visuel vieux de 40 ou 50 ans.
Pour finir, quelques couvertures kitsches, dénudées, provoques ou bien conceptuelles...
09- Le général des galaxies ; Un fils pour la lignée, 1977, chez Fleuve Noir, de Brantonne
10- Les esclaves de Gor [oui, je sais, c'était facile], 1982, chez Opta, de Lemoine ; La femme des bois, 1984, chez Lattès, de Nicollet ; Face aux feux du soleil, 1984, chez J'ai Lu, de Caza.
11- Orgasmachine, 1979, chez Lattès, de Keleck (pseudo de Jacqueline Barse) ; Le messie de Dune, 1981, chez Presses-Pocket, de Siudmak
12- Le messie de Dune (le même) mais chez Laffont, coll. Ailleurs & Demain, 1972
Liens internet : BDFI - J'ai Lu de 1970 à 1984 ; BDFI - J'ai Lu de 1985 à 1992 ; BDFI - J'ai Lu de 1993 à 1995 ; BDFI - J'ai Lu de 1996 à 2000 ; BDFI - J'ai Lu de 2001 à 2007 ; BDFI - Presses Pocket SF de 1977 à 1987 ; BDFI - Presses Pocket SF de 1988 à 1992 ; BDFI - Presses Pocket SF de 1993 à 1999 ; BDFI - Presses Pocket SF de 2000 à 2006 ; NooSFere - Wojtek Siudmak ; NooSFere - Tibor Csernus.
Julien Noël aime ce message
Patfine Apprenti
Nombre de messages : 32 Age : 17 Localisation : Sud de la France Profession : Lycéen (presque un métier) Loisirs : Jeux vidéos, lecture, écriture, création de langues... Date d'inscription : 01/02/2022
Tu m'as fait un exposé En soit, les illustrations sont pas si mal et je dois bien avouer qu'avoir une vraie direction artistique c'est une bonne idée. Je vois ce que tu veux dire en parlant d'associer le texte et l'image sur la couverture, je comprends pourquoi ça te plaît. Cependant, je ne suis pas de cet avis, pour moi, le texte, c'est déjà sur la 4e de couverture, sur la 1ere de couverture selon moi, c'est l'esthétique qui doit primer et sur les presses pocket c'est pas le cas. Après, question de goût. En tout cas merci pour ton post très intéressant !
Astre*Solitaire Champion
Nombre de messages : 399 Localisation : Vinyamar Date d'inscription : 19/11/2012
Non, pas un exposé. C'est une bafouille ça. Même pas vaguement étoffée. Disons que cela pose un premier cadre.
Alors c'est vrai qu'aujourd'hui l'image et les illustrations ont la cote. Et je comprends parfaitement ton point de vue. Mais je te renvoie, à titre d'exemple, aux couvertures de la collection blanche, la NRF, chez Gallimard (justement). Je cite. La couverture fut mise au point par l’éditeur Verbeke à Bruges : « La maquette finale relève d'un refus catégorique de traitement décoratif au profit d'une lisibilité intacte, privilégiant unité typographique et sobriété de la composition. Elle se rattache à celle de La NRF par son papier mat de couleur crème, par l'adoption d'une elzévirienne assez fine et allongée, aux contrastes de graisses peu marqués, et par l'impression en deux couleurs, rouge et noir. »
Cela inspirera d'autres collections, comme dans le roman policier avec les éditions du Masque au fond jaune. C'est par Hachette, et l'influence des USA, que la couleur et l'image entrent en force dans l'hexagone et sur les couvertures.
Si le sujet t'intéresse, je te mets en lien un article à lire sur l'histoire des couvertures : Graphéine. J'y reconnais certains de mes propres bouquins comme Nadja ou La cantatrice chauve. Et un autre sur la NRF où j'ai pris ma citation : Karoo.
Patfine Apprenti
Nombre de messages : 32 Age : 17 Localisation : Sud de la France Profession : Lycéen (presque un métier) Loisirs : Jeux vidéos, lecture, écriture, création de langues... Date d'inscription : 01/02/2022
Pauvre Waterhouse, il n'y est pour rien si ses oeuvres sont détournées et dénaturées pour faire des économies d'illustrateur : la fille qui se peigne les cheveux n'est pas verte dans l'oeuvre originale mais normalement rose pale, voire anémiée (le sacrilège), forcément c'est à l'origine PAS DU TOUT une elfe
Oui, j'adore ce peintre.
Mais aussi Siudmak
Quand à Caza, c'est un immense auteur des années 70/80' en BD (L'hachélème que j'aime et autre Accroche-toi au balai j'enlève le plafond, Les remparts de la Nuit), malheureusement tombée dans l'oubli.
Quand au visuel "patriarcal", faut arrêter de se laisser berner par toutes ces fadaises idéologiques, la science-fiction intéresse en premier plan les hommes et en second, mais alors loin derrière, les femmes. Comme il se trouve, tiens c'est étonnant, que l'hétérosexualité est la norme STATISTIQUE, bah, il suffit de mettre un nichon pour mobiliser l'intérêt de ces messieurs, simple, efficace. Puis, les tenants de l'idéologie dominante ont décidé que les mecs c'était craignos (je vous passe les raisons évidentes puisque le topic n'est pas politique), et sus aux nichons et autres douceurs pour les yeux pour nous infliger diverses choses que je ne qualifierai pas pour rester poli. Si Waterhouse, Caza et Lemoine sont fait pour durer et que Keleck et Nicollet, non, c'est juste que les premiers c'est beau, les deuxièmes c'est juste pornographique (voire pédo pour Nicollet) en plus d'être laid car dysharmonieux. Et je ne crois pas qu'un jeune public soit trop con pour se rendre compte de la différence. Pour exemple, c'est sûrement pas à cause des vieux acheteurs que nous sommes que Gallimard a viré les immondes photoshops des premiers V5 (j'ose même plus me souvenir du coupable de ces immondes plagiats) mais probablement plus parce que les retours étaient catastrophiques. La beauté comme la laideur sont intemporelles et aucune idéologie n'y pourra jamais rien, OUF, j'ai envie de dire. Et qu'on ne vienne pas confondre mode et beauté, sinon je vous fais un topic sur la coupe mulet, voir la coupe queue de rat !