Le SIRE aux TRISTES COULEURSauteur :
Rémi Dekoninckillustrateur :
Koa400 §
Je ne sais plus si c'est Bruenor qui a comparé ce dernier tome de la trilogie à la Couronne des Rois, en raison de sa taille bien supérieure. Je ne peux qu'approuver! Natisone s'est donné les moyens pour clore avec soin Les Chroniques d'Hamalron. Comme dans le dernier volet de Sorcellerie, on a plus de sections, une aventure plus longue, plus riche, où vont converger les indices, sortilèges et objets que l'on a pu glaner aux long des épisodes précédents. Avec un final épique même s'il est à souligner que les livres 1 et 2 se terminaient aussi avec une scène d'anthologie.
Ce tome 3 conserve les qualités de la série : un style agréable, des illustrations à fort caractère qui évoquent John Blanche mais aussi un peu Gary Chalk pour les bâtiments, une galerie très fournie de personnages secondaires, un système de jeu simple et efficace, pas mal de moments marquants.
Dans le détail, j'ai particulièrement aimé la scène où l'on s'enfuit dans le Château. Entre la course contre la montre, le plan à tracer pour se repérer, les choix cruciaux à faire et les descriptions variées qui rendent ce mini-dédale bien plus immersif que les labyrinthes de Minos ou Zagor, ce passage est vraiment haletant. J'étais presque déçu d'avoir réussi à en avoir trouvé la sortie du premier coup!
Les trois démons de l'inframonde qui forment la garde rapprochée du big boss à la fin sont également très marquants, très charismatiques. Meurtriers comme il faut également puisque Tête-de-Cheval m'a occis dans mon avant-dernière tentative.
Les informations politiques que l'on peut glaner en chemin permettent de mieux appréhender la situation politique, il est vrai un peu complexe. C'est un aspect intéressant. Le choix stratégique à faire vers la fin est donc bien amené... même si j'ai fait un mauvais choix lors de mon premier passage (argh).
La difficulté est très bien dosée. J'ai réussi l'aventure à mon 7ème ou 8ème essai, ce qui, considérant la longueur de ce chapitre final, m'a paru très bien. Surtout, les morts ne sont plus aussi injustes que dans le 1er tome. J'ai l'impression que la difficulté des tests et des combats a été revue à la baisse et c'est une bonne chose. Mes Points d'Action de réserve ont flirté avec le 0 mais je ne me suis pas aussi souvent senti à court, démuni et tributaire du hasard qu'au début de la saga.
Enfin, les illustrations pleine page sont une riche idée, un luxe qui le vaut bien. J'ai adoré celle de la Cendrove égorgeant le soldat ennemi. Dans son attitude, on y voit parfaitement le mélange de colère et de tristesse qui l'anime à ce moment-là, l'expression pure du sentiment de vengeance un peu vaine.
Le Sire aux Tristes Couleurs est donc réussi. Comme j'ai lu que Natisone préparait un autre livre dans le même univers, je liste les quelques regrets que j'ai pu avoir, comme pistes pour améliorer la suite.
- Le système de magie à la Sorcellerie est un atout majeur des ces règles de jeu. Mais j'ai trouvé que cette fois, il était sous-exploité. Trop de sorts dont on ne peut pas se servir, en particulier les nouveaux plus puissants. La liste était alléchante mais au final est un peu frustrante.
- Toujours niveau jeu, le talent Fin Bretteur est de loin le plus efficace. Expert en magie vient après et Diplomate très loin derrière. Un constat qui vaut pour toute la série.
- Trop de copier-coller là où une refonte des sections à certains moments-clés aurait permis de les éviter. Le plus flagrant est la scène (très réussie au demeurant) de l'attaque nocturne à l'auberge de la Croisée des Chemins. On a une impression au départ d'une très grande liberté avec une multitude de choix tactiques. Mais au final, cela fait un trop grand nombre de sections par rapport aux nombre de situations possibles. Même si je comprends bien qu'il faille tenir compte de l'assassin enfui ou non, des codes obtenus au préalable, etc...
- Les personnages sont bien campés, mais j'aurais bien aimé les voir avec encore plus de relief. Certains aspects sont sympas comme l'amourette fugitive et dramatique ou la sorcière possédée. Mais j'espérais un peu plus d'interactions avec mes compagnons que le simple recueil d'informations politiques. Notre personnage est d'ailleurs assez neutre dans ses prises de paroles ou d'opinions. Sauf pour le coup d'éclat final, ça c'était bien!
- L'aventure est globalement linéaire, à part deux fourches possibles, et parsemée de moments charnières importants plus détaillés (l'auberge de nuit, le passage du fleuve, l'évasion du château, la bataille finale). Une structure qui rappelle encore une fois La Couronne des Rois... mais aussi les Loup Solitaire du 3ème cycle. Concernant un épisode épique et dramatique qui veut raconter une histoire digne d'un grand roman d'aventures, ça se comprend. Mais plusieurs passages trainent un peu en longueur quand des sections denses et successives sans évènement marquant se terminent par un renvoi unique (pendant le voyage au début, le passage de la faille dans la chaine de montagnes...).
En conclusion, cette trilogie moderne égale et dépasse même par sa qualité bon nombre de séries de LDVELH anthologiques. Bien sûr, ces dernières avaient le mérite de défricher les grands espaces, d'ouvrir des voies inconnues en proposant des ambiances et des systèmes de jeu novateurs. Mais beaucoup avaient en parallèle des défauts inhérents aux expérimentations, là où Les Chroniques d'Hamalron ont pu profiter du recul pour proposer une expérience ludico-littéraire à la fois équilibrée et soignée.
A titre personnel, je sais que je la relirai d'ici 5-10 ans d'un trait avec plaisir, car j'avais parfois du mal à me rappeler si j'avais accompli telle action dans le premier tome. ^^
16/20