NB, concernant cette collection, mon point de vue n'est pas neutre... D'autres lectures et critiques seront donc bienvenues Lu en deux soirées, un crayon à la main, mais sans prendre d'abondantes notes - une erreur de ma part, car je suis certainement passé à côté de plusieurs choses.
Prisonnier des morts de Stéphane Dorne est le tome 2 de la série, et peut-être
le tome qui se rapproche le plus de l'esprit d'une salle d'Escape Game. Pas seulement pour le thème classique (laboratoire bunker rempli de zombies), surtout pour les énigmes choisies :
devinettes simples... ou non
nombreux cadenas numériques (un code ne sert qu'une fois)
calculs
éléments cachés sur le plafond, le mur, à retrouver par un jeu d'ombre, en mesurant une certaine distance...
Le Dément qui a pris le contrôle des lieux et qui joue avec nous comme avec une souris de laboratoire, n'est pas sans évoquer le Game Master au micro de la salle d'Escape Game.
CE QUE ÇA RACONTEDébut
in media res : on cavale dans une rue pour échapper à une meute de zombies ! Le narrateur-perso nous révèle par bribes la situation. On incarne un étudiant de médecine. Apocalypse zombie. Armée qui tient ce qu'elle peut. Une petite copine, quelque part ailleurs : vivante ? La vieille dame zombie qui tente de croquer quelque chose au passage. Pourquoi avoir quitté l'appart-refuge, les jeux vidéos ? Car on a reçu un message d'un ancien prof de fac... un appel à l'aide. Franchir les portes du labo du prof, vite ! Le début est explosif, au propre comme au figuré.
La suite : exploration du labo et de sa vingtaine de salles. Les lieux sont devenus un vrai chantier, avec des équipements démolis, des bouts de soldats morts un peu partout (sauf un qui est encore vivant), et des zombies sanglés sur des tables d'opération, enchaînés à des murs carrelés, rangés dans des boîtes en inox... On devine que pour mettre au point rapidement un vaccin à l'Epidémie Z, le lab' travaillait en urgence sans grand souci éthique...
- Spoiler:
Les membres du personnel mordus durant les recherches devenaient cobayes à leur tour...
Ce gore est contrebalancé par un certain humour "de survie" de la part du narrateur.
Le pitch est double : 1) trouver le prof qui a appelé à l'aide, 2) comprendre ce qui est arrivé sur place et 3) finaliser le vaccin. Bon OK, triple, pas double. Le récit ménage une progressivité dans les infos, dans les motivations des uns et des autres, dans le dévoilement des événements.
Sachez juste que notre héros - lui et personne d'autre - n'a pas été appelé par hasard.
ESTHETIQUEDes illustrations de Mathieu Coudray type comic book qui ne sont pas sans rappeler un certain opus de Ian Vifcaillou :
Illu' encore peu nombreuses pour l'un des premiers Escape Books. Les dessins font parfois partie des énigmes :
- Spoiler:
le trombinoscope, le passeport, les combinaisons des trois coffres.
A partir de
l'EB3 Prisonnier de l'Overworld, l'accent sera davantage mis sur l'illustratif, ce tome 3 est carrément tout en couleurs !
Graphisme : une certaine recherche dans les polices de caractères, comme plus tard
dans l'EB7 Le Dirigeable du Professeur. Une marque de fabrique de Stéphane Dorne. Dans cet EB2 : des polices graphiques et des icônes en forme, heu, d'organes sanguinolents. Cela jouera un rôle dans le déroulement du jeu ! Parlons-en justement :
MECANIQUE DE JEUFamilière, maintenant que j'ai lu l'EB7
Le Dirigeable du Professeur. C'est essentiellement un jeu de recherche, de prise de notes et de tests de combinaisons.
Recherches à travers 20 salles du Niveau 1. Puis 12 salles du Niveau 2. Si l'alarme se déclenche, les salles sont décrites d'une manière différente et certains objets deviennent donc inaccessibles. L'alarme est pourtant inévitable. Heureusement
- Spoiler:
déclencher les sprinklers anti-incendie grâce à un certain objet fera cesser l'alarme.
Prise de notes dans le volumineux
Carnet de Bord. Plus touffu et mêlé que celui de l'EB7, on y trouve l'inventaire des objets, les documents (des photos par exemple) et... la Table des Eléments Périodiques que vous allez apprendre à connaître au fil du jeu ! C'est même assez ambitieux, on aurait pu raccourcir un peu je pense.
Et si on faisait un peu de chimie zombie ? Combinaison : pour tenter d'ouvrir quelque chose / faire fonctionner un truc, on combine :
symbole de la salle (un organe) + objet utilisé (désigné par un élément périodique) + solution ou code proposé
Il y a plusieurs tableaux de combinaisons, selon le moment du jeu. En pratique, on apprend vite où regarder en cas de blocage pour au moins savoir quel objet tenter ou restreindre le champ des possibles. Ou tricher carrément
Les NOUVEAUTES de ce tome : les
Combats et les
Game Over (deux incontournables, avec des Zombies !) et les
Conversations. Ce dernier mécanisme m'a bien inspiré pour l'EB5. Mention particulière au game over OUPS 5, où on vit notre transformation en zombie, la douleur de la morsure, le corps qui s'engourdit, les pensées qui deviennent lointaines, s'éteignent pour laisser place à une faim obsessionnelle.
AVIS PERSOLes zombies ne sont pas trop dans mon champ de référence, je regarde peu de films gore ou d'horreur. J'ai pourtant pris plaisir à l'ambiance de fin du monde dans ce labo. Une
Mary Céleste technologique : les imprimantes crachent des listings et les néons clignotent alors que les corps refroidissent doucement dans les couloirs de l'hôpital... Les énigmes proches de celles de vrais Escape Game en salle sont très nombreuses. Pas forcément mes préférées, mais il y a une élégance formelle dans leur organisation. Entre EB3 et EB7, du même auteur, il y a évolution dans la continuité.
J'ai été très amusé de découvrir quelle était l'arme ultime contre les Zombies dans les combats :
- Spoiler:
l'indestructible téléphone Nokia !
Je me suis amusé à chercher les références et clins d'oeil - et en parlant d'œil, les yeux vairon comme marque d'immunité, oui, comme dans
28 jours plus tard ! La date de 1974 traîne à un endroit, j'ai cru que c'était la date du premier Romero (rien à voir avec Linflas) mais il semblerait que non (
La Nuit des morts vivants est de 1968).
Le
Niveau 1 était un peu difficile, mais l'expérience des autres EB aidant... Au début on tâtonne, puis on trouve l'extrémité du fil et tout s'enchaîne. L'auteur donne des coups de pouce dans le texte, des questions oratoires ou des remarques faussement gratuites qui guident (« Je n'arrive pas à voir ce qui est au fond, ah, si seulement j'avais de la lumière ! »).
Pour passer du Niveau 1 au 2, je n'ai RIEN bité de l'énigme : aucune idée d'où était l'info.
- Spoiler:
Prendre 666, ça OK, le tag sur la porte à digicode est clair là-dessus. Mais remplacer un chiffre par un autre, soustraire la valeur chiffré d'un nom codé en hexadécimal, houlàààààà ! C'est peut-être ça l'énigme compliquée à laquelle l'auteur fait allusion dans une interview.
Le
Niveau 2 possède un rythme assez différent, plus linéaire et davantage dans l'urgence. C'est lié à la progression de l'histoire, bien sûr. On vient de subir une révélation, on a dû poutrer du Zombie et éteint un incendie... J'ai eu beaucoup de mal, les énigmes se corsaient selon une logique différente de celles des lieux précédents. La page Indices du carnet suggère de
- Spoiler:
trier les objets marqués en blanc, de faire des calculs subtils pour doser le vaccin, toutes joyeusetés que j'avoue avoir zappées. La faute à mon impatience, car tout semble calibré. Normal dans un jeu pour geeks.
Le volume conviendra à ceux qui ont déjà fait un EB plus facile, comme
l'EB Minecraft ou
l'EB Moriarty... Et aux fans de Zombies bien sûr
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