Un pot de café, une paire de
dés, et c'est parti pour une lecture de la version Lulu du
Trône d'Arion. Un beau volume format poche qu'on a bien en main, comme à la grande époque.
Le sujet est original en diable (c'est le cas de le dire) et on sent que Gynogege - alias Jérôme Wirth - a beaucoup potassé son sujet. Références à la
Geste d'Eldenourin et à de nombreux DF, qui participent à l'ambiance ou au récit. Par exemple, un pirate sympathique qui se vante
d'avoir battu Abdul le Sanguinaire à Tak... et le reste de son équipage lève les yeux au ciel, lassé
d'entendre les mêmes rodomontades depuis des mois... Quasi sociologie de la faune
d'un port miteux
NB, Gynogege nous explique enfin pourquoi
- Spoiler:
une princesse d'Arion et une épée elfique portent le même nom.
Le sujet semble également plus adulte que les DF courants. Personnages fréquemment en demi-teinte : la sorcière du village, bonne ou mauvaise ? La soeur du roi Jonthane, victime ou être
démoniaque ? On a également une scène
d'initiation sensuelle qui aura des conséquences en fin
d'aventure...
- Spoiler:
(On apprend qu'il n'est pas bon de laisser traîner ses p'tits soldats).
Un peu de
realpolitik aussi, avec le Conseil des Anciens, les tirs de billard à trois bandes, les jeux de pouvoir.
Question ambiance, choc des civilisations : on sent bien la différence entre le village où tout le monde se connaît, assez médiéval et pastoral, et la ville, qui fait davantage Renaissance et où tout n'est que combines.
Pour la
démonicité du héros, le texte reste neutre ou suppose que le héros est globalement quelqu'un de sympa quand même. Les excès dus au CHAOS sont
décrits comme des crises brusques, et après ça passe. Bon, en même temps le héros ne semble pas en éprouver de grands remords...
La mécanique des règles- beaucoup de compteurs ! Calendrier, CHAOS, Pièces
d'Or, etc. Un peu trop de gestion à mon goût. Le Calendrier pouvait être supprimé sans dommage pour l'histoire, par exemple.
- regains
d'ENDURANCE et de CHANCE rares, alors que les pertes sont nombreuses et pas toujours justes. Le héros n'a sans doute pas grande habitude du monde, car même quand il a de l'argent dans un quartier marchand, il ne lui vient jamais à l'esprit
d'acheter des Repas
d'avance.
- système de "boucles" qui rappelle
La Troisième Porte du Rêve. On tourne dans des lieux, jusqu'à
débloquer une ouverture quand on a tel objet. Je saisis la logique. Par contre, j'ai l'impression de beaucoup tourner, feuilleter, de m'entendre demander
x fois si j'ai tel objet, rendu visite à Untel, si on est le soir ou le matin... Ça a un côté net et précis, mais à titre très personnel je n'adhère pas. Je préfère des manières de faire plus économes en paragraphes et en temps de cerveau disponible, afin de favoriser le récit et l'implication du lecteur, sa projection dans l'histoire.
- idée des Points de Sauvegarde : très bien ! J'adhère à 100%.
Le scénario- très réfléchi, très pensé, bravo ! Multitude de personnages, tous divers, avec un caractère propre, une histoire, des motivations différentes.
- par contre, au bout
d'un moment, ils finissent par devenir nombreux. Ça plus les liens de famille (qui est fille, soeur, mère de qui ? L'oncle, lequel
déjà ?) j'avoue que je m'y perdais un peu en
début de livre (quand on assimile) et en fin de livre (où ça devient important).
- le sortilège qui permet de se procurer
- Spoiler:
n'importe quel objet qu'on n'aurait pas trouvé précédemment, en le convoquant par-delà l'espace et le temps
est une excellente idée en termes
d'histoire ET nous évite
d'être bloqué ou frustré. Total combo.
NB, j'aurais aimé qu'il puisse servir plus
d'une fois. Son usage étant dangereux, on n'en aurait pas abusé. De même, pourquoi ne pas pouvoir aller plusieurs fois chez
- Spoiler:
l'Alchimiste
pour lui acheter des infos et de l'équipement petit à petit ?
- l'usage contre-intuitif mais (justement) intelligent des
- Spoiler:
Colliers d'Asservissement
des
Gouffres de la Cruauté est une très bonne idée aussi. Très bon exemple de
thincking outside the box !
- la mini-histoire finale, j'aime l'idée, c'est original. Mais, hum, à nouveau ce système de boucles à répétition qui me casse un peu mon plaisir.
Ça me rappelle l'écriture si particulière de Mason dans
Les Mercenaires du Levant ou
L'Ancienne Prophétie. Si par contre on retire les boucles, ça rappelle plutôt Keith Martin, surtout ses premiers livres.
Bilan- très bonne écriture, style recherché et net ; on sent que l'auteur a planché, relu, fait relire et qu'il veut faire sien cet univers. Il le rend réaliste par des
détails subtils : quelle moitié de son royaume Jonthane comptait-il donner dans
Le Voleur de Vie ? Pourquoi ça ne s'est pas fait ? etc.
- et
défauts correspondants à ces qualités, on sent parfois trop "l'huile de la lampe" : le travail de tricotage exagérément minutieux des objets et conséquences, la fidélité peut-être trop recherchée aux sources DF. On y perd en spontanéité, à mon sens.
***
Bravo à
Bruenor pour sa mise en page et la mise à dispo du texte dans un format facile à lire
et
d'une manière plus générale, pour sa promotion des DF avec les
Chroniques de Titan.