J'ai profité de quelques jours de déconnexion pour faire ce que je fais trop peu : lire. Et là, j'ai lu
Les Spectres des marais, tome 15 de "L'œil Noir", signé Frank Pfeifer et Karsten Wurr. Sauf erreur, c'est leur seule contribution à la série. Le tome contient un livre-jeu de 170 paragraphes intitulé
Les Marais de l'Angoisse + un scénario de JDR. Je n'ai pas démêlé qui des deux avait écrit quoi.
D'abord, une évidence maintes fois dite,
C'EST NUL DE CHEZ NUL. Texte expéditif, faux choix, impression d'une mauvaise reprise du
Marais aux Scorpions, tout ça a déjà été dit et disséqué ci-dessus. Je passe donc à
autre chose : parler de ce jeu sous d'
autres angles que la qualité en tant que livre-jeu.
Changeons de perspective. DU MEDIEVAL FANTASTIQUE ? NOPE.Un constat curieux, c'est que ce livre ne relève pas tant que ça du genre du méd-fan ou de la fantasy. Notre héros (un Raymond-De-Base, guerrier débutant) a entendu parler de la légende d'un marais hanté, fort fort lointain, il serait arrivé des choses il était une fois... On lui annonce moult morts vivants, zombies et squelettes encore revêtus de lambeaux de chair dans la plus pure tradition de
Taram et le chaudron magique, mais en fait il les croisera à peine, vite fait. Les rencontres marquantes de Raymond-De-Base seront tout autres. Une vieille qui a besoin d'aide. De petits lutins élastiques dont bras et jambes se mélangent s'ils tombent ou éternuent trop fort. Une jeune fille à marier. Un arbre qui radote et tousse des pièces d'argent, il s'excuse platement que ce ne soit pas de l'or - c'est l'âge, que voulez-vous...
Le choix des personnages, le traitement ludique ou un peu absurde des péripéties tient plus d'
Alice au pays des merveilles ou du conte de fées que du
Seigneur des Anneaux. On peut penser aux frères Grimm, ou aux
Mille et une nuits d'ailleurs citées au
131 :
- Citation :
- Allons, un peu de sérieux. Nous ne sommes pas à Bagdad ! Et même si Aladin faisait brusquement apparaître devant vous son génie favori tenant une corde au-dessus de vous, vous ne pourriez rien faire !
JOUER AVEC LE LECTEUR. JOUER AU RAPPORT REEL-FICTIONSi
Les Marais de l'Angoisse sont un mauvais livre-jeu, c'est peut-être parce que le jeu... n'est pas là où on l'attend. Le gameplay ludique est faible, il faut peut-être plutôt chercher...
Le jeu avec les conventions du genre, avec des choix jamais proposés d'habitude :
- Citation :
- Un dernier coup d'œil vous ayant convaincu qu'il n'y a pas de danger, vous vous endormez. Comment sera votre sommeil ? Léger ? Rendez-vous au 160. Très profond ? Rendez-vous au 62.
Le jeu entre réel et fiction :
- Citation :
- [Vous pouvez] bien regarder en face et avec courage la mort qui vous attend. Rendez-vous au 156. Et si vous appeliez au secours ? Rendez-vous au 131. Après tout, vous êtes peut-être le jouet d'un horrible cauchemar ? Si vous le croyez, rendez-vous au 2. Mais si c'est la réalité, vous pourriez avaler l'eau pour faire baisser le niveau. Rendez-vous au 131.
> Choix du 2 >
Vous vous réveillez dans votre lit, trempé de sueur. Quel affreux cauchemar ! Il n'est plus question de se rendormir ! Vous allumez la lampe. Près de vous un livre épais :Les Marais de l'Angoisse, et une paire de dés... Vous prenez le livre et vous commencez à le feuilleter avec curiosité puis à le lire avidement. Rendez-vous au 1.
L'amusement du recul ironique sur le genre, peu sérieux et où tout peu arriver de la plus absurde des manières :
- Citation :
- Il est certain que la jeune fille a l'intention d'abréger vos souffrances en vous noyant dans le marais. Il faut que vous trouviez une autre solution et vite. Vous pouvez lui dire que vous l'aimez : rendez-vous au 111... Vous pouvez bien entendu [lui dire que tout ça] n'est pas si grave : rendez- vous donc au 138.
Oeil noir, mais psychédélique. Conclusion, on pourrait parler ici d'OLNI, d'objet littéractionesque non identifié, où les a auteurs s'amusent surtout plus piper les dés du genre et du jeu, qu'à proposer une histoire interactive forte. Peut-on parler de livre-jeu expérimental, comme les films psychédéliques des années 60 ou 70 ?
Note : réveillez-vous ! La note sera inscrite au plafond au-dessus de votre lit. 3/20 (Juste au-dessous des mots
Je suis sous le lit... en lettres de sang).