Les films en général

Je sors de Joker, folie à 2 (Todd Philips, 2024).

C'est fidèle à mes attentes : une comédie musicale avec du swing (et même une version anglaise de Ne me quitte pas), un traitement des couleurs de malade et quelques belles images.

Bref, je sais qu'il n'a pas très bonne presse, mais j'ai bien aimé (et ma fille aussi).

Le 3 est déjà écrit selon Ridley Scott.

On aura certainement les aventures du petit-fils de Maximus avant le 4 qui, l'empire romain ayant disparu entretemps, se déroulera au Moyen-Age avec le descendant de Maximus qui ne combattra plus dans l'arène mais lors d'un tournoi.
L'important, c'est que ça rapporte du fric et que ça flatte l'égo d'un réalisateur qui veut se persuader qu'il est toujours capable de faire de "grands" films.

En tous cas, c'est pas moi qui vais dépenser 20 balles pour aller voir ça en salles, ni même 2 euros pour le DVD quand je tomberai dessus par hasard dans quelques années dans un magasin d'occasion.

Déjà le premier piétinait allégrement l'Histoire. Pour rappel, Marc Aurèle est mort de maladie près de Vienne en Autriche et il n'a jamais eu l'intention de rétablir la République (il y avait déjà longtemps que les romains avaient assimilé et accepté le régime impérial) et il avait bien prévu que son fils Commode lui succède. Quant à la Rome proposée, outre les coupoles (qui n'apparaîtront qu'à la Renaissance), on a une sorte de New York antique, bétonnée à mort et déshumanisée, aux grandioses perspectives qui évoquent un état totalitaire et imposant, tel que Scott veut le montrer, pour renforcer le sentiment de puissance de l'empire. La Rome de l'époque, c'étaient des jardins, des collines, un entrelas d'étroites ruelles voisinant avec de grands bâtiments publics. Rappelons également que si les romains allaient volontiers voir les gladiateurs combattre, leur spectacle préféré restait les courses de chars : 80 000 places pour le Colisée mais 300 000 pour le Circus Maximus et ses courses.
Mais le film restait quand-même sympa.

Le Caligula de 1979 (à ne pas mettre entre toutes les mains) était encore moins historique mais c'était plus une métaphore, sur le pouvoir qui rend fou. Et c'était remarquablement joué, avec un Malcom McDowell halluciné et hallucinant, accompagné d'Helen Mirren et Peter O' Toole entre autres. Quant à Derek Jacobi, magistral dans Moi Claude, empereur, qu'est-ce qu'un acteur de talent comme lui vient foutre dans un film comme Gladiator ?

Enfin, pour les amateurs d'Histoire, rappelons que si Caligula était certainement dérangé, ses frasques ne touchaient que les élites et le peuple n'eût pas à souffrir de son règne. Il augmenta massivement les distributions gratuites de pain, d'huile et de viande. Dion Cassius le décrit comme "le plus démocratique des empereurs" et Philon d'Alexandrie (qui ne l'aimait pas pourtant) écrit à son sujet : "Alors, les riches ne passaient pas avant les pauvres ni les célébrités avant les gens obscurs. Les maîtres ne l'emportaient pas sur les esclaves, les circonstances seules faisaient l'égalité".
Ce sera semblable sous Néron, qui sera longtemps adoré du petit peuple. Suétone écrit à son sujet : "Longtemps après sa mort, il ne manqua pas de gens pour orner sa tombe des fleurs du printemps et de l'été".

Deux vidéos très intéressantes qui nuancent Caligula et Néron :

On attribue généralement à une maladie le comportement de Caligula. Après des débuts prometteurs et un accueil enthousiaste, il serait tombé subitement malade, passant à deux doigts de la tombe et c'est par la suite qu'il serait devenu fou.

Quant à Néron, il a été adoré du petit peuple pendant presque tout son règne, autant qu'il a été détesté par les élites. Alors certes, il était quand-même spécial, n'hésitant pas à faire tuer sa mère (mais cette dernière ne rigolait pas non plus, leur relation en était arrivée à un point où c'était lui ou elle) mais il a été surtout noirci par les historiens qui ont suivi. Ces derniers lui ont craché dessus pour mieux se faire voir des empereurs sous lesquels ils vivaient et écrivaient. Trajan lui-même, surnommé "le meilleur des empereurs", disait que les premières années du règne de Néron avaient été les plus belles de l'Empire. Sans oublier les auteurs chrétiens qui, suite à la persécution après l'incendie de Rome, le transformèrent en bête immonde, faisant même de lui l'Antéchrist. Pareil pour Domitien, noirci et démonté par les auteurs chrétiens dans le texte de l'Apocalypse, en réaction à la répression anti-chrétienne de la fin de son règne.
Alors que Marc-Aurèle, souvent encensé, considéré comme "l'empereur-philosophe", un modèle de sagesse, ne s'est pas gêné pour ordonner la persécution des chrétiens à Lyon, en 117, dans l'amphithéâtre de la Croix-Rousse (c'est d'ailleurs là que se situe l'épisode de sainte Blandine, épargnée par les lions).

Personne n'est jamais tout blanc ou tout noir.

Voyageur Solitaire a écrit:

Déjà le premier piétinait allégrement l'Histoire.

Perso, ça ne me dérange pas, je n'ai pas payé pour voir un docu historique (ça ne veut pas dire que je n'aime pas les docus historiques). Je regarde avec plaisir des œuvres de fiction dans des univers irréalistes, alors qu'on colle l'étiquette « Rome » dessus, OSEF.

Et donc : ce w.-e., c'était blockbusters avec les enfants : Venom 3 et Gladiator II.

Bah, je suis bon public. V3, le début est poussif et complètement caricatural. Puis ça déborde d'action et c'est toujours caricatural, mais bon, j'ai passé un bon moment à regarder des créatures (dont un paquet d'humains) meuler et se faire meuler.

G2, j'ai trouvé ça cool. Pas trop d'argument à avancer : de belles images, du rythme, de l'action, de la Rome en carton-pâte, c'était fidèle au contrat.

Je te donne raison sur ce coup là.
N'empêche que je reste toujours mal à l'aise avec les films "historiques" qui prennent trop de libertés avec l'Histoire. Ils finissent par fausser cette dernière et en donner une vision déformée. Je me souviens par exemple de potes américains qui, après avoir vu le Marie-Antoinette de Sofia Coppola, étaient persuadés que la dernière reine de France se gavait de pâtisseries, se biturait au champagne et s'envoyait en l'air avec Axel de Fersen dans les jardins de Trianon. Et qui étaient stupéfaits d'apprendre qu'elle fût emprisonnée et exécutée. "Ha bon ? Mais dans le film pourtant, elle ne meurt pas à la fin..."

Voyageur Solitaire a écrit:

Je te donne raison sur ce coup là.
N'empêche que je reste toujours mal à l'aise avec les films "historiques" qui prennent trop de libertés avec l'Histoire. Ils finissent par fausser cette dernière et en donner une vision déformée. Je me souviens par exemple de potes américains qui, après avoir vu le Marie-Antoinette de Sofia Coppola, étaient persuadés que la dernière reine de France se gavait de pâtisseries, se biturait au champagne et s'envoyait en l'air avec Axel de Fersen dans les jardins de Trianon. Et qui étaient stupéfaits d'apprendre qu'elle fût emprisonnée et exécutée. "Ha bon ? Mais dans le film pourtant, elle ne meurt pas à la fin..."

et faudra aussi leur dire de ne pas croire "Emily in paris", c'est pas comme ça en vrai.

Gladiator 2 est plutôt cool même s'il y a des problèmes et que ça ne vaut clairement pas le premier film.
Mais ça reste un film à voir au ciné ...

Vu. La bande-annonce était superbe et vendait vraiment du rêve. Qu'en est-il ?

Verdict :


Ce qui m'ennuie, c'est la manque de force du film. La tension qui devrait exister entre certains personnages ne se met pas en place, faute d'échanges correctement menés. Les dials semblent sabrés, raccourcis. D'autant que ces personnages sont nombreux ! Pour éviter une redite du 1er film, il a fallu séparer en deux personnages le général et le gladiateur, donc deux héros, deux enjeux, bref, un doublon malvenu. Ajoutez à ça deux maîtres de gladiateurs, deux empereurs, le duo Lucilla / sénateur Derek Jacobi, etc. Doubler ainsi tous les rôles :
multiplie les intrigues au point de rendre le tout confus, et
empêche longtemps de s'attacher à celui qui devrait être le personnage principal. Le film ne laisse exister Lucius/Hanno que sur la fin.


On a l'impression d'une version courte, de coupes qui sacrifient tout ces petits riens, ces silences, ces respirations, cette poignée de répliques qui auraient créé un bel ensemble. On retombe dans le style "pompier" qui avait eu la peau du genre du péplum au milieu des années 60, et qui pollue aujourd'hui les Marvel. Et puis, quelqu'un a compris pourquoi Lucilla ne s'occupait plus de son fils une fois envoyé à l'étranger pour le protéger ? C'est quand même l'héritier de l'empire !

Le seul qui tire son épingle du jeu, c'est l'acteur Denzel Washington, qui cabotine à plaisir et donne du piquant, de l'originalité à son personnage de comploteur. Il sauve toute son coin d'intrigue grâce à son superbe jeu (super bien doublé en VF par  Emmanuel Jacomy), mais même lui aurait gagné à une écriture renforcée de son personnage. Pour clarifier son enjeu, rendre plus subtile son ascension (qu'il prétend planifier, mais qui se fait en réalité à coups de deus ex machina), et accessoirement éclaircir les deux allusions à son intérêt pour les messieurs, jetées en passant.


Une histoire simple, directe, émouvante, universelle (le premier Gladiator) est devenu un machin assez confus. Photo impeccable et superbe effets spéciaux, mais ça nous frappe beaucoup moins en 2024 qu'en 2000.

Bémol : les critiques youtube/presse se concentrent sur le respect de l'Histoire avec un grand H, chipotant sur les requins durant la naumachie, etc. Ce qui m'a fait hausser un sourcil : c'est une fiction, pas un documentaire de la chaîne Historia... Demande-t-on aux Trois Mousquetaires d'être historiquement précis ?

Je n'ai pas vu le film donc il y a peut-être une raison spécifique à un penchant pour les messieurs du personnage incarné par Denzel Washington. Mais en faut-il ? Dans la société romaine de l'époque, les amours entre hommes ou la bisexualité étaient chose courante. Les dieux eux-mêmes ne se gênaient pas : Jupiter, au milieu de toutes ses maîtresses, avait le jeune Ganymède pour compagnon, Apollon culbutait aussi bien les nymphes que Cyparissos et Hyacinthe et Hercule avait rejoint les Argonautes de Jason avec un de ses amants. Côté mortels, César, marié quatre fois et amant de Cléopâtre, ne repoussait pas toujours l'envahisseur, on le surnommait à Rome "homme pour toute femme et femme pour tout homme". Néron, amoureux de Poppée et marié à cette dernière, a épousé symboliquement deux de ses amants, Doryphorus et Sporus. Trajan, "le meilleur des empereurs" était homosexuel et son successeur Hadrien, tout aussi brillant, est resté dans l'histoire pour sa relation quasi conjugale avec le bel Antinoüs. Et tant d'autres, sans parler des grecs avec Alexandre le Grand et Héphaïstion, le bataillon sacré de Thèbes et compagnie. Donc de ce côté-là, que ce personnage aime les hommes n'a rien d'inhabituel pour l'époque et la mentalité de cette dernière.

Pour ta dernière réflexion, je suis d'accord quand il est bien précisé par le réalisateur qu'il s'agit d'une fiction. OK, on est prévenus et seuls les vieux cons râleurs comme moi critiqueront quand-même, par principe.
Ce qui me gêne, c'est quand le réalisateur bafoue l'histoire ou t'impose sa vision en prétendant que c'est la vérité historique. Le Marie-Antoinette de Sofia Coppola n'est pas un biopic de la dernière reine de France, c'est une métaphore, une transposition et, esthétiquement, le film est très réussi. Le problème, c'est que beaucoup de gens avec qui j'en ai parlé sont persuadés que ce qu'on voit dans le film, c'était la vraie Marie-Antoinette. Le phénomène est encore plus fort quand le film, en dépit de ses erreurs et anachronismes, est bien fait ou visuellement attrayant. Son impact est encore plus fort et des gens prennent pour argent comptant ce qu'ils voient à l'écran. Sans parler de ceux qui tentent de faire passer leur message ou leur vision de tel ou tel personnage historique ou de telle époque, au mépris de toute véracité historique, en t'assénant que c'est ça la réalité.

Les films historiques, c'est comme les images générées par IA : il faut un avertissement, il faut prévenir quand c'est une fiction, quand on s'éloigne volontairement de la vérité.
Après, je reste réaliste : si on veut vraiment faire un film rigoureusement historique, sur certaines époques, ça passerait jamais... C'est ce que disait Jacques Martin, l'auteur de la BD Alix, à qui on reprochait nudité et relation ambigüe entre Alix et son compagnon Enak : "Arrêtez ! Si j'avais vraiment représenté la société romaine telle qu'elle était à l'époque, je n'aurais jamais été publié !"

Voyageur Solitaire a écrit:

Je n'ai pas vu le film donc il y a peut-être une raison spécifique à un penchant pour les messieurs du personnage incarné par Denzel Washington. Mais en faut-il ? Dans la société romaine de l'époque, les amours entre hommes ou la bisexualité étaient chose courante...

C'est surtout que c'est une graine dont le récit ne fait rien. Un de ces petits détails qui me font soupçonner que le film est raccourci par rapport au script (ou au montage) de départ, faisant passer plein de choses à la trappe, qui auraient mieux posé les intrigues entrecroisés, ou mieux caractérisé les personnages.

NB on aura compris qu'en ce moment je passe mon temps à regarder des vidéos YT sur les règles d'écriture des fictions (d'où ce voca méta)... Eh bien Ménard l'a fait en son temps, y a pas de raison que j'le fasse pas aussi. Même que ça m'a bien aidé pour boucler la fin de deux bouquins récents. Mais ça me rend douloureusement conscient de certains défauts filmiques, maintenant. Comme ces histoires d'oublis criants, et de doublons systématiques des personnages dans cet opus II de Gladiator.

De mémoire, dans le premier déjà, à un moment, Proximo (Oliver Reed) demande à Maximus : "Qu'est-ce que tu veux, hum ? Une fille ? Un garçon ?" à quoi Maximus répond : "Tu m'as fait appeler".
Du moins, en VO :
- What do you want, hum ? Girl ? Boy ?
- You sent for me.

Amusant quand on se rappelle que dans le film Women in love de 1969, le même Oliver Reed a marqué les esprits avec une scène de lutte nue avec Alan Bates... L'une des plus grandes scènes homoérotiques du cinéma, impossible à reproduire aujourd'hui, pour les amateurs.

Le problèe que tu cites VS c'est qu'on n'a culturellement quasi auun recul par rapport à l'image. J'avais un collègue devenu photographe professionnel (et commissaire d'expositions) qui m'avait dit qu'on devrait avoir des cours pour décrypter les images de la même manière qu'n avait des commentaires composés de textes (qui n'existent d'ailleurs presque plus je crois).
Et effectivement je n'ai jamais fait. Même si notre prof de français nous avait fait une explication passionnante des affiches de Rambo I et II, et leurs différences, ça reste très marginal. Je me souviens aussi d'un cours d'anglais où le prof irlandais nous avait passé un reportage anglais sur l'IRA. Il avait ensuite démonté point par point le truc en nous expliquant comment le choix des images, lemontage, avait été pensé pour faire croire des choses, sans le dire expressément. On était tous sur le cul parce que bien sur on avait tout "acheté" sans sourciller.

Le pouvoir de l'image et du cinéma en particulier a ancré des références qui sont devenues des réflexes.

On sait aujourd'hui que Cléopâtre avait un physique banal, qu'elle était d'origine grecque, issue d'une civilisation qui mêlait influences grecques et égyptienne. Pourtant, dès qu'on veut la représenter, en général, on te sort Elizabeth Taylor... On te sort une Cléopâtre représentée en égyptienne "éternelle", avec perruque nattée, serpent d'or au bras, les yeux fardés, la robe de gaze et l'éventail de plumes d'autruche. Et ça date pas d'hier, il n'y a qu'à voir les tableaux légués par des générations de peintres. Ou plus près de nous, pour ceux de ma génération, la pub des années 1980 pour un célèbre savon avec Cléopâtra, à fond dans le cliché. Ne parlons pas de Marie-Antoinette qui, depuis le succès du film de Sofia Coppola, reste associée aux gâteaux, aux macarons et aux robes flashy, image déclinée depuis dans la mode, les pubs...
Des péplums comme Ben-Hur ou Les dix commandements n'ont quasiment rien d'authentique dans les décors et costumes mais restent un modèle, un canon à suivre. La preuve, tous les remakes se sont vautrés par rapport aux originaux qui datent des années 1950/60 (c'était mieux joué aussi, faut le reconnaître).

Tout ça pour dire que je ne m'étonne pas du succès probable de Gladiator II. De belles images, du rythme, de l'action, de l'incroyable... Le spectateur, aux mots "arène", "gladiateur", retiendra ces images et beaucoup les tiendront pour véridiques ou s'en contenteront pour se faire une idée de ce qu'était la gladiature. Il y aura toujours des pinailleurs comme moi ou des historiens pour dire que ça n'a rien d'historique, mais ce sont ces images qu'on retiendra.
C'est comme ça.

Bah, pour moi le premier Galdiator c'était déjà pas fantastique... pourtant j'avais trouvé Russel Crowe épatant dans LA Confidential, mais le côté grand spectacle ça me fatigue très vite, et particulièrmet quand c'est Ridley Scott qui aime bien en faire des tonnes. Après,j'ai vu pire, pas de doute...

Du premier Gladiator, perso je retiens surtout la prestation de Joaquin Phoenix, magistral dans son interprétation de l'empereur Commode, aussi peu historique soit-elle. Ce n'est pas Malcom McDowell dans Caligula mais quand-même.

Je ne sais plus qui a dit un jour que les rôles comiques et de fous étaient les plus difficiles à interpréter.