L'OBJET LIVRELa couverture est superbe, un vrai bonbon années 80. Le tome est de belle qualité, un papier feuilletable, un format généreux. La charte graphique rappelle clairement la série Choose Your Own Adventure, un prédécesseur US des livres-jeu britanniques de Jackson et Livingstone. Mais les CYOA avaient souvent peu de paragraphes alors qu'ici, il y en a 297.
Les illustrations de Patrick et Katherine Spaziante sont, semble-t-il, faites d'après des photogrammes de la série éponyme. On y reconnait facilement les acteurs. Il y a un minimalisme du trait assez élégant, et qui rappelle un peu certaines illustrations des livres jeunesse années 80-90. Par contre les images sont souvent peu dynamiques, on ne "sent" pas de mouvement, de tension, d'élan.
PARALLELE AVEC LE SLASHER DE SANCHEZJ'ai cru comprendre que l'une des couvertures du
Slasher dont vous êtes le héros d'Alexandre Sanchez faisait le même choix graphique vintage. D'après ce que j'ai entendu de ce dernier, il y a des parallèles à faire avec le CYOA
Stranger Things. Les deux sont des intrigues à rejouer plusieurs fois, avec de nombreux culs-de-sac, et un héros un peu parachuté qui découvre avec surprise un nouvel environnement, ballotté par des événements sur lesquels il (le personnage) a peu de prise.
La différence serait que, si j'ai bien saisi, là où
Stranger Things a une structure simple avec de longs tunnels, le
Slasher est plus malin : c'est un livre à itérations. Il faut progressivement y utiliser dans les "vies" suivantes du héros les infos et bonus accumulés dans ses échecs précédents, afin d'enfin triompher. On ne peut donc réussir qu'à travers un labyrinthe d'échecs...
REVENONS A NOS MOUTONSPour revenir au CYOA
Stranger Things, j'ai feuilleté, fait deux lectures, et aaaargh j'ai du mal. On joue un ou une apprenti(e) journaliste, du même lycée californien qu'Eleven au début de la saison 4. Le texte est formulé de manière à éviter les accords de genre, sauf le paragraphe
1. Les péripéties contées seront exactement celles de la saison 4, vues du point de vue d'une personnage supplémentaire. Mais... un perso passif, qui se contente d'enregistrer ce qui se passe, et de deviner petit à petit qui sont ces gens, pourquoi il se passe ceci ou cela.
Au début je me suis dit que ça allait être sympa de revisiter la série ainsi, mais rapidement il se met en place une dissonance : on doit faire semblant de découvrir avec surprise des gens et des événements qu'on connait déjà. Bon, supposons un lecteur qui n'a pas vu la série ? Alors pas sûr qu'il arrive à suivre, car le casting est pléthorique et il y a une intrigue touffue.
En fait, il aurait été plus simple de faire une CYOA sur la saison 1, en tant que personnage supplémentaire du groupe rôlistes de départ (rapport facile entre JdR et livre-jeu, en plus). On aurait ainsi découvert l'étrange en même temps que Mike, Lucas, Dustin et Will (ah non, pas Will, sa disparition est l'enjeu de la saison, justement). Ça aurait été plus naturel... et plus jouable, au moins pour ceux qui ne connaissent pas déjà bien la série.
En termes d'écriture, wooow, d'interminables tunnels narratifs, ponctués de rares bifurcations. L'auteur, Rana Tahir, a déjà écrit un CYOA intitulé
Noor Inayat Khan en 2020. Mais je prends le risque d'avancer qu'elle a davantage des habitudes de romancière que de game-designer. En effet, le lecteur est contraint de suivre une branche du récit sans avoir de choix, ou quasi aucun, avant de se voir infliger un GAME OVER (pardon, une des « 25 fins différentes ») que rien ne justifie. Qu'on n'a pas vu venir, et qu'on ne pouvait éviter par aucun choix. C'est.... ben.... bizarre, comme technique d'écriture de livre-jeu.
DIVERSPlusieurs allusions à la bande originale sont faites : scène de l'humiliation en musique d'Eleven sur la piste de rollers, et bien sûr le tube de Kate Bush...
Dans le livre, je n'ai pas trouvé la scène des
gay cries où le personnage de Will acquiert, de manière complètement inattendue, une belle épaisseur dramatique à l'écran. Mais je suis peut-être juste passé à côté.
Saison 4, épisode 8. Superbe scène. BILANUn bel objet graphique, un bon sujet en soi, mais traité d'une manière qui ne me va pas trop :
tunnels narratifs, peu de choix, fins injustes.
il faut réessayer, relire, alors qu'on connaît déjà l'intrigue et la fin...
trop de personnages, ça donne un côté confus à certaines pages malgré un bon travail d'écriture.
on joue un "personnage embarqué", on n'a que peu d'interaction avec les autres, on n'influe pas sur l'intrigue dont on est simple témoin.
Note : eleven sur vingt (plus pour le jeu de mots que pour autre chose).