Lu
Complots sous la lune de Stéphane Beauverger, une première chronique de Geren de Kuln, parue chez Posidonia. Ce tome a remporté le prix du livre-jeu 2021, ex-aequo avec
Aria, dans
la catégorie ados-adultes.
L'HISTOIREOn incarne un jeune malandrin, membre d'une guilde des voleurs assez restreinte, plutôt une bande dont les activités restent réduites à un quartier de
la ville médiévale de Kuln. Les Bonnets Percés ne sont qu'une douzaine et sont tous des enfants ou des ados, qui se sont regroupés pour survivre. L'histoire débute quand, de retour au logis, on s'aperçoit que toute notre bande a été massacrée ! Commence alors une quête de vengeance pour Geren, qui le mènera plus loin qu'il ne croit...
MECANIQUE DE JEUQuatre scores avec points à répartir entre eux : AGILITE, CERVELLE, DESTIN et ENERGIE. Ils se combinent pour donner des scores secondaires comme Combat, Perception, Discrétion, Discussion... J'ai sauté le reste des règles puisque de toute façon je ne les applique pas
Je retiens quand même l'intéressant concept de Casier Judiciaire (si on se fait trop remarquer, on risque d'être jugé par
la milice ou pire, par une guilde des voleurs qui souhaite qu'on reste discret). Le mécanisme de Soutiens et Rivaux est également une bonne pioche.
L'auteur nous prévient qu'il y aura de nombreux PFA et nous enjoint à les lire, car ceux-ci peuvent être rédigés d'une manière intéressante. On sait en effet que les lecteurs malchanceux esquivent ces Games Over et reviennent de suite en arrière, ce qui est un peu vexant pour un écrivain : j'ai connu ça avec les OUPS ! de l'Escape Book
La Marque de Cthulhu, qui pourtant n'étaient pas là que pour faire joli... Pourtant les PFA de
Complots sont en pratique assez expéditifs, leur principal intérêt était d'être accompagnés d'une illu rappelant les « Tarte à
la crème ! » des enquêtes de
la Bande des Quatre.
LES ILLUSTRATIONSLa couverture est de Marcel Laverdet. Au premier plan, une image de guerrière sans doute créée sans doute tout exprès pour le livre. En arrière-plan, des images clonées et une
lune moyennement intégrée. L'ensemble n'est pas mal pour une composition mais tout ça "sent" le numérique par
la juxtaposition et l'excès de symétrie.
La guerrière est sans doute l'opposant qu'on rencontre à
la fin, une membre de
la Guilde des Sicaires.
La fille forte et armée à oilpé, bon, un peu cliché.
Les illus intérieures de Michel Riu m'ont séduit, elles créent une vraie ambiance qui rappelle parfois
la ville de Kharé
sous la plume de John Blanche. J'aime bien ! Bon, tout n'est pas parfait, les mendiants barbus sont un peu tous dessinés sur le même patron (
255 et
266), et les filles dévêtues sur un autre. Ici, sur l'illu du
400,
la Sicaire est habillée et blonde, je
la trouve réussie. A contrario, les intérieurs du palais font étrangement inachevées (voyez au
135, au
185 et surtout au
380) comme si Michel Riu était plus à son aise pour représenter les rues médiévales que
la magnificence palatiale. Malgré ces bémols, de
la très belle ouvrage.
MON AVISUn cadre très prenant, qui dès l'intro s'annonce plus adulte que le livre-jeu standard : un monde où
la misère pousse les parents à abandonner leurs enfants, ces derniers à voler pour survivre, dans une cité où aucun voile pudique n'est jeté sur
la prostitution. Les demoiselles tarifées font en effet de l'oeil à notre héros dès les premières pages ! L'une d'entre elle, une courtisane de plus haute volée, sera un jalon quasi indispensable de l'intrigue. Elle est d'ailleurs représentées pas moins de trois fois.
Pour enquêter sur l'identité de celui ou celle qui a assassiné notre bande et comprendre son mobile, on a un déplacement très libre dans
la cité. Un même lieu peut être visité plusieurs fois pour y tenter divers choix ; certains sont des carrefours où on reviendra souvent. Immersif car c'est bien ainsi qu'agirait un voleur, qui ne peut s'adresser à
la milice, doit rôder, tendre l'oreille.... Pourtant cela aurait été plus simple et intuitif avec des numéros sur le plan pour les lieux-carrefours. Gare, on peut vite tourner en rond faute d'indices :
la solution postée par Chidome24 peut-être utile.
La première partie du jeu, dans les rues qui entourent
la Cité Haute, est vraiment
la plus intéressante. On y rencontre des personnages hauts en couleurs comme le Procureur, les décors sont recherchés, même si les situations sont assez habituelles dans le genre du méd'fan. Le livre-jeu
Les Reliques de la Cité rouge de Cédric Zampini était plus original de ce point de vue. En tout cas on sent
sous la plume de l'auteur un tendresse pour cette ville violente, avinée, peu compliquée dans ses vices/
La pègre nous est présentée avec une certaine empathie, notamment les Gavroches que sont les gamins ou filles des rues.
La deuxième partie du jeu, dans
la Cité Haute, m'a moins plu. Les paragraphes se font beaucoup plus courts et consistent souvent à nous demander si on possède tel objet, tel soutien. Le palais où va se conclure notre enquête est expédié vite, comme les illustrations le représentant. On ne "sent" pas les lieux avec
la même acuité : ce milieu social inspire peut-être moins l'auteur, lui a paru moins riche en histoires ou saynètes. Un manque de consistance qui fait qu'on a du mal à haïr le commanditaire de
la mort de nos amis, un prince paillard qui ne fait que passer dans le récit. Les diverses scènes qui mènent à sa mort sont contées avec une économie de mots qui ne rend pas cette conclusion pleinement satisfaisante.
Deux bugs logiques :
- les « habits de qualité », une trouvaille qui nous permet de passer inaperçu dans les beaux quartiers, gardent leur lustre et leur efficacité après qu'on ait fait une plongeon dans les égouts.
- le mobile du crime,
- Spoiler:
le fait qu'un des membres de la bande soit un bâtard du prince, ne paraît pas suffisant. Une simple ressemblance du visage ne remuerait pas les foules, le prince n'aurait même pas à nier un banal hasard. Peut-être aurait-il aurait fallu : une marque physique bien reconnaissable (une tache de naissance typique de la lignée ?), une absence criante d'héritier légitime, le tout dans une atmosphère de trahison larvée parmi les nobles...
BILANUn livre-jeu qui a de vraies qualités et une atmosphère. Son héros est un Gavroche, un filou attachant qui nous fait sourire en montrant
la ville par son envers et ses dessous. Le challenge est sérieux, il faudra plusieurs tentatives pour boucler l'aventure et atteindre un final en demi-teinte. L'ergonomie de l'ensemble peut sans doute être améliorée, notamment avec un plan numéroté en 1ère partie (ville basse) et en densifiant un peu
la 2ème partie (ville riche). Enfin, les illus de Michel Riu font beaucoup pour le livre, car elles s'allient très bien au récit !
Note : 15/20