Lu : un petit volume de Folio Cadet,
La Disparition de Laloupe et la Bande des Quatre de Martin Waddell. C'est le n°3 d'une série de livres d'enquête publiée de 1984 à 1986, mettant en scène cette bande d'enfants (6 tomes en français, plus 2 non traduits). C'est un petit bouquin jeunesse, même si la 4ème indique en guise d'âge :
Ah, la feinte ! Des petits malins, au département marketing ! Pour avoir été sur des stands, je sais que la première chose que fait le parent acheteur, c'est de retourner et de regarder l'âge indiqué.
4ème de couverture d'un Escape enfants chez Glénat : accessibilité, difficulté,
fidélité à l'univers de la licence. Extrait de la chaîne Youtube Livres Jeux. L'OBJET-LIVRELivret mince, 83 paragraphes, reliure noire imitant le graphisme de la Série Noire (la série "Challenge des Etoiles" parue en même temps, même éditeur, même public, était gris argenté comme certaines séries de SF de l'époque). Quatre images dans un style minimaliste de l'époque (Jean-Manuel Duvivier) montrant les épisodes-clé du jeu. Les illustrations intérieures sont celles de la VO signées Terry McKenna. Les couvertures originales sont en fait des photos posées (ci-dessous). Deux bandeaux typiques des v1 Gallimard, annonçant le nom de la série : "Enquêtes Policières".
L'AUTEURL'auteur est Martin WADDELL, auteur irlandais né en 1941, il est l'auteur de nombreux livres pour enfants et petits enfants, avec des titres comme
Tu ne dors pas, petit ours ?,
Couic-Couic et Ratatam mais aussi des histoires de fantômes et la série
Otley qui parodie les romans d'espionnage. Sa série "Enquêtes Policières" ("Mystery Squad" en VO) n'est pas signalée dans sa biblio sélective sur Wikipédia en anglais (alors qu'elle l'est en français), ce qui doit vouloir dire que ce n'est pas retenu comme son travail majeur par les anglophones. Il ne semble pas avoir écrit d'autres livres dont vous êtes le héros que la série de la Bande des Quatre. Il a reçu un prix d'écriture en 2004 pour sa contribution à la littérature pour enfants.
Couvertures des deux tomes non traduits en français.
Je ne sais pas si les illustrations intérieures ont été faites
d'après le physique des jeunes en couv' photo, ou au contraire,
les jeunes choisis à partir des illus intérieures déjà faites. LES HEROSQuatre enfants : Thomas (fils du commissaire Laloupe) et ses amis, les frères Rémi et Anatole, et leur sœur Julie. Chacun a son petit caractère, ce qui permet de se rappeler qui est qui, en plus de quelques traits physiques sur les images.
Thomas Laloupe est observateur comme son policier de père, il est grand, blond-roux, c'est plus ou moins le chef.
Rémi Lardon est inventif et bricoleur (micros, caméras et autres gadgets), il est en quelque sorte le second de Thomas. Grand comme lui, on le reconnaît à ses cheveux noirs en pétard, les mêmes que son frère Anatole.
Anatole Lardon, rêveur et gourmand, est plus petit que les deux autres garçons. Il tient les listes (de suspect, de matériel...). C'est lui le narrateur de l'histoire. Il se dispute souvent avec Rémi et se moque de sa sœur Julie.
Julie Lardon, garçon manqué, toujours coiffée de sa casquette, est la petite sœur de Rémi et d'Anatole. Elle signe souvent les messages-rébus qui ponctuent les enquêtes.
Par contre, les dialogues sont souvent sans incises pour rappeler qui parle, ce qui rend parfois les discussions... ou les disputes, un peu confuses !
Les prénoms ont certainement été francisés, tout comme le nom du commissaire Laloupe et d'autres qui contenaient un jeu de mots (utile à l'enquête, quand une initiale ou un surnom permettent d'identifier un suspect). Le reste de l'histoire reste
so british, à la différence des traductions du Club des Cinq qui resituent tout en Bretagne.
Laloupe, Julie, Rémi, Anatole et Thomas. « LE MYSTERE COMMENCE ICI... » Une courte intro nous met dans le bain, c'est le cas de le dire : la Bande Quatre est à la plage ! Ces gamins, que leurs parents semblent peu surveiller et qui n'ont pas souvent école, tombent régulièrement et par le plus grand des hasards sur des enlèvements de milliardaires, des contrebandiers, des barons du crime qui défient la police... bref des histoire façon Club des Cinq d'Enid Blython. On a d'ailleurs remarqué la parenté : Bande des 4, Club des 5, les 6 Compagnons (Paul-Jacques Bonzon), Clan des 7 (encore Enid Blython), etc.
L'enquête : tout ne tourne pas rond au camping de la plage de Red Bay. Le commissaire Laloupe a emmené son fils en vacances, ainsi que ses amis, et il a la ferme intention de se la couler douce. Là de nos jours un père dirait « et durant ces vacances, pas de console », Laloupe dit « pas de mystère, pas d'enquête, ne fouinez pas partout ! » Enfin, ça c'était avant qu'il ne disparaisse mystérieusement de sa caravane... Les enfants vont observer, tenter de prévenir les autorités, pour au final se retrouver embarqués dans une histoire de lingots d'or, d'île déserte et de carte avec un X qui indique l'emplacement !
C'est d'ailleurs curieux, cette obsession des récits pour enfants à vouloir faire échouer des mômes seuls sur une île pour y trouver un secret :
Le Club des Cinq et le Trésor de l'île,
Le Mystère de l'île aux moines, etc. C'est tellement un cliché qu'Anatole lui-même finit par en faire la remarque en plein milieu de l'histoire !
- Spoiler:
Cette remarque joue d'ailleurs un rôle dans l'intrigue...
Les méchants ont compris que les Quatre les filaient. Ils concoctent donc une fausse piste magistrale, une carte au trésor bidon, une soi-disant épave de galion espagnol, etc. pour les occuper pendant qu'eux, les voleurs, évacuent les lingots d'or, qui en fait proviennent d'une banque d'Afrique du Sud. C'est du moins ce qu'on croit comprendre car le vol n'est pas raconté, on ne comprend pas bien ce que le butin et les aigrefins font au camping de Red Bay, bien loin de l'Afrique du Sud.
Ce détournement est assez magistral et je dois le dire, est LA trouvaille de ce livre-jeu.
Un livre-jeu Club des Cinq, signé Dave Morris,
sous l'égide de l'éditeur d'Enid Blython. MECANISMES DE JEUC'est un livre-jeu un peu différent de ce dont on a l'habitude, car il n'y a pas plusieurs parcours possibles. Les héros passent d'une scène de crime à une autre, il n'y a qu'une issue à chacune, en se basant sur texte et illustrations :
Comment sait-on que le commissaire Laloupe a été enlevé et qu'il ne s'est pas juste absenté ? Parce qu'on voit sa pipe cassée sous la table, sur le dessin...
Comment comprend-on que tel personnage a menti ? Car ce qu'il vient de dire contredit une information reçue plus tôt dans l'histoire...
Plusieurs propositions sont faites au lecteur, qui doit choisir la bonne pour gagner plusieurs points de réussite. Il se trompe ? Tarte à la crème !
Les points de réussite réunis permettent à la fin de s'évaluer, comme dans la serie "Challenge des Etoiles". J'ai bouclé l'enquête avec 43 points, je suis donc « Un as des détectives » mais pas encore « Sherlock Holmes » !
MON AVISFort coefficient madeleine de Proust, cette série et "Le Challenge des Etoiles" étaient mes premiers livres dont vous êtes le héros, au CM1-CM2 ! Forcément ça marque. Même si concrètement je ne venais jamais à bout des énigmes et des enquêtes... Les nombreuses illustrations et leur forte implication dans l'enquête, les histoires prenantes, tout ça m'a marqué.
Maintenant, comme fabriquant d'énigmes pour jeux et livres, plusieurs fois je me suis dit : ici il manquerait une indication pour cadrer, le lecteur ne va pas comprendre où l'auteur veut en venir... Là, la traduction de ce bout de papier chiffonné ne permet pas de faire correctement l'énigme, alors qu'en modifiant légèrement ce serait nickel... Certaines déductions me gênent, comme celle du lieu à trouver sur l'île : si on se base sur la carte comme indiqué, et qu'on se demande quel endroit est visible depuis la vieille tour, mais pas depuis l'endroit où les voleurs essaient d'envoyer nos héros, on trouve une réponse complètement différente - et, pour moi, plus logique - de celle trouvée par nos héros.
Par ailleurs, les indices sur les illustrations sont parfois trop petits pour être bien reconnaissables (la pipe cassée, distinguer JUS sur la bouteille dans le rébus JUS-LIT...).
ES-PIONS-NON-PLONGEURS-ALLAH-TOUR-JUS-LIT-ET-RE-MI :
Espionnons plongeurs à la tour. Signé Julie et Rémi.Enfin, la succession de scènes à observer amène parfois à construire l'histoire de manière un peu artificielle. On a par moments l'impression que ça n'avance pas. dans mes souvenirs, c'était plus visible encore dans le tome
Le Faussaire et la Bande des Quatre.
Pourtant, toutes ces remarques sont des détails. Clairement c'est un bon bouquin et une bonne enquête. Il y a de tout : ne pas se contenter de regarder, mais observer ; retenir les indices ; comprendre plusieurs rébus et codes... Les images sont souvent sur deux pages, très intégrées à l'histoire (si on nous dit que les héros trouvent un document, on l'a sous les yeux) et au plaisir de la lecture. D'après ce que j'ai pu
lire ici et aussi là sur les forums, la série en a marqué plus d'un. Un petit modèle du genre, et à vrai dire avoir lu cette histoire me donne envie de (re)lire les autres tomes de la série !
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EDIT : dans un article de blog en anglais de 2019 signé Christopher Whickam, j'apprends que Thomas =
Casey (qui n'est chef du groupe que par « népotisme »), Rémi et Anatole Lardon =
James et Bodger Bacon, et Julie Lardon =
Bean Bacon (pas un nom facile à porter : haricot-lard...). Les tartes à la crème qu'on reçoit en cas de mauvaise réponse =
custard pie (tarte au flan). L'auteur de l'article fait le même parallèle avec les histoires à la Enid Blython. Il s'interroge sur la possibilité de retrouver les jeunes ados qui ont posé pour les couvertures originales, semble avoir identifié le photographe. Il salue la qualité élevée des illustrations intérieures. Il note que l'illustrateur se fait plaisir avec les punitions "tartes à la crème", qui deviennent plus grandes, nombreuses et élaborées de volume en volume, jusqu'à la tarte lancée par catapulte...
Cet autre article de 2009, anonyme, se sert de la série pour lister les 10 règles d'écriture d'une enquête policière pour ado : le titre doit contenir « Le mystère de, Le secret de, L'affaire de » suivi d'une allitération (
The Mystery Squad and the Creeping Castle). Le nom du héros doit aussi être allitératif :
Jupiter Jones, Bodger Bacon. Il faut une fille dans le groupe, mais jamais de romance. Un parent doit avoir un métier source d'intrigue (policier, inventeur). Etc ! Je prends note si jamais je me retrouve à écrire dans ce genre-là
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EDIT2 : cette critique/chronique a été repris avec quelques remaniements sur le site du collectif S'CAPE, consacré aux jeux et escape pédagogiques :
http://scape.enepe.fr/bandedesquatre.html