Attention, feedback plein de SPOILERS.
S'attaquer à un Nils Jacket est toujours un grand moment d'excitation : on sait qu'on en prend pour un mois de lecture acharnée. Celui-ci ne fait pas exception avec ses 1 000 sections.
Sa plus forte qualité est l'ambiance carcérale au top niveau, ainsi que l'incroyable galerie de portraits. On est plongé dans la vie en prison, d'une façon réaliste qui rappelle La Ligne Verte (la souris!) ou Les Evadés, mais dans un établissement français. Le ton est très réaliste, sans fausse note. L'immersion est splendide.
Des personnages hauts en couleurs, la série avait déjà l'habitude de nous en proposer. Mais ici, nous passons plus d'une dizaine de jours à côtoyer de près nos compagnons d'incarcération. Cette promiscuité de longue haleine est l'occasion de découvrir une flopée de protagonistes, tous très vivants, marquants, attachants ou répugnants.
La seule exception à ces éloges est d'importance car elle concerne Mlle Varga. Les premiers dialogues avec elle m'ont semblé peu vraisemblables, comme certaines de ses réactions. Une fois que j'ai compris sa véritable identité, ça aurait pu expliquer ce comportement bizarre (qui m'avait tout de suite mis sur la voie). Mais alors, une fois l'aventure terminée, j'ai au contraire eu le sentiment que ça ne collait pas. Que si elle était en fait un tueur à gages, son jeu d'acteur était vraiment trop parfait pour avoir ces réactions, ces réparties qui collaient trop à celles d'une véritable infirmière au coeur d'artichaut. Même à la toute fin, je me suis demandé pourquoi c'était Rax qui l'emportait en combat singulier contre un assassin expérimenté.
Mais c'est l'exception. Pour tous les autres persos, rien à dire à part du bien. Mention spéciale à Béati, Rax et Ezequiel.
Le scénario n'est pas très complexe par rapport aux autres épisodes. Ce qui n'est pas forcément un défaut car le caractère alambiqué du Voleur d'Ombres m'avait fait sortir de l'histoire. C'est plus une aventure à la Tarantino qui nous est proposée ici, très cinématographique avec son lot de scènes d'action, de rebondissements, de situations impitoyables (je ne suis jamais tombé sur le 666 et la manière glaçante d'y échouer...). Le fil conducteur est linéaire et chronologique : jours et nuits se succèdent invariablement, émaillés d'incidents et de drames obligatoires qui jalonnent notre parcours. Le tout est de gagner la confiance des autres détenus pour en apprendre toujours plus sur leur objectif principal : l'évasion. Sans oublier de survivre car nous risquons d'être reconnu, ou pire, tué, à maintes reprises.
Certains passages me semblent indispensables pour gagner : les mots de code EQUIME-PREVEV-INVAOC-INFSAU-DIAUCO-TOLSAT... Mais il existe plusieurs manières d'obtenir chacun d'eux. J'ai beaucoup aimé cette structure et cette gestion de la difficulté. On galère mais on ne fait que progresser, et choisir au départ d'être dans telle ou telle cellule n'est pas un choix radical, on peut s'en sortir et ça permet donc de varier les itinéraires au fil de nos (nombreuses) tentatives.
Mais ça, c'est avant l'évasion de prison. Car l'ultime partie en extérieur est très différente... et horriblement frustrante.
La dernière séquence rappelle dans son concept celle du Puzzle de L'Oubli : comme une mini-aventure menée tambour battant, entièrement consacrée à l'action et à la survie. Suivre les braqueurs, trouver les documents secrets, les dérober, rattraper le traître, neutraliser le psychopathe, démasquer le tueur à gages... Comme c'est excitant! Mais cette séquence est l'équivalent de traverser un champ de mines avec comme seule repère un schéma annoté en langue balte et consumé à 25%.
Les choix qui nous sont proposés son tous mortels. Le moindre faux pas et c'est l'échec. Mais en plus de prendre les bonnes décisions, il faut utiliser des informations anciennes (les numéros d'adresse) et en obtenir certains par déduction. J'ai pour ma part trouvé que l'adresse à filer en vitesse au téléphone relevait d'un certain sadisme. Idem ensuite pour la section où l'on perd si on propose d'aller chez l'infirmière a lieu de donner directement son numéro de rue. Vicieux! Enfin, l'instant où il faut utiliser le point faible du tueur à gages pour le démasquer est bien tordu aussi.
Bref, moi qui était complètement sous le charme de cette aventure, j'ai été pas mal refroidi par ces morts à répétition et ces impasses à la toute fin. Moi qui avais jusqu'alors compté sagement mes croix pour mes échecs (une douzaine avant d'arriver à la planque des Estrada) et pour les indices en fin d'ouvrage, j'ai tout balancé et testé toutes les possibilités pour enfin atteindre le terme de l'histoire.
Le tout dernier indice à consulter autorise à reprendre directement après la sortie de prison quand on perd en fin d'aventure. C'est carrément dans les règles qu'il faudrait préciser ça!
Bon, je passe beaucoup de temps à récriminer contre ce qui m'a déçu. Mais c'est jeter un peu trop d'ombre sur une excellente aventure, très bien écrite, prenante, passionnante, qui procure des dizaines d'heures de lecture, et même de réflexion une fois l'ouvrage reposé. J'en ai parfois eu du mal à m'endormir à force de cogiter!
L'humour est aussi bien présent et souvent bienvenu pour dégonfler une atmosphère sombre (Chino bi et j'en passe).
Au jeu des comparaisons avec les précédents titres de Nils Jacket, je le trouve moins bon que le Puzzle de l'Oubli à cause de cette difficulté mal maîtrisée sur la fin et de son histoire plus classique. Mais je l'ai largement préféré au Voleur d'Ombres. Par rapport à Nils Jacket contre l'Agent X, c'est à peu près égal dans mon coeur. NJ derrière les Barreaux va me laisser plus de souvenirs je pense car son atmosphère est vraiment forte. J'aime quand on a affaire à une vraie aventure, où le danger rôde, où notre intégrité physique est mise en danger, et non pas à une enquête plutôt Agatha Christie. D'un autre côté, l'aspect investigation était vraiment très réussi et réjouissant dans l'Agent X...
EDIT : En écrivant le titre du post, je me suis planté et ai écrit Nils Jacket derrière les Bureaux. En voilà une idée de nouvel épisode!
Note : 16/20