Pour être libre, faut-il être hors système ?

Mais est-ce que le fait de créer son propre système fait de chacun un être authentiquement et purement libre ?

Là est la question...

C'est dur de faire société tout seul

Je faisais la remarque à mes élèves, quand on évoquait une émission de télé-réalité. On voyait une mère et sa fille adolescente (le genre artiste) habiter des sortes d'igloos en argile, avec quelques seaux dehors en guise de salle de bain. Un trip à la Walden et Henry David Thoreau. Le tout était bien agencé, lumineux, chauffé, propre, et même décoré, confortable. Mais pas évident d'assumer un statut marginal. La mère et sa fille ont sans doute du mal à se trouver un mec (chacune) qui accepte leur mode de vie. Et elles pourraient vite être classées tarées et être ignorées, moquées quand elle vont acheter leur pain, subir des jets de bouteilles de bière sur leur maisonnette ronde...

Tandis que si tu as un pavillon de beauf, aucun souci

Je dis ça parce que, depuis que je suis en âge de marcher, j'ai toujours eu du mal à m'intégrer dans la société. Tu parles de marginal, c'est justement comme cela qu'on me qualifiait dans ma prime scolarité : têtu, volontaire et marginal. Ben, tu vois, je prends ces qualificatifs comme des compliments aujourd'hui.
C'est vrai que j'ai toujours fait ce que je voulais, envers et contre tout. Je suis un peu comme le sanglier : quand je veux quelque chose, je fonce, rien ne m'arrête et j'obtiens ce que je veux, même si je dois en souffrir ou qu'il y ait de la casse autour de moi.

Quand les gens disent blanc, j'aime bien dire noir.
Quand les gens vont à droite, moi je vais à gauche.

Et inversement.

Je te dis : je ne me suis jamais intégré ni fondu à la masse. Alors, c'est peut-être là où je puise ma liberté. Ce qui fait que je suis hors-système depuis le début ?

Je pense que je ne suis pas comme les autres. Je n'ai jamais été comme les autres. Je ne marcherais jamais au pas cadencé (au sens propre, je n'ai jamais su marcher au pas cadencé, l'armée fut un véritable calvaire pour moi à ce niveau-là). Je ne sais pas rester dans le rang.

Donc, oui, je suis libre. Libre et hors-système.

Sartrien

Pourtant je hais Sartre.

On m'en a tellement fait "bouffer" en philo, que je ne peux plus l'encadrer. En plus, avec son existentialisme, il m'a donné des complexes. "L'homme n'existe que par son projet" : mais, merde, quoi ! Et si je n'ai pas de projet de vie, alors, je suis quoi ? Une bouse ? Si je n'ai pas envie d'en avoir ? Si je choisis simplement de me contenter de vivre et de profiter de la vie, telle qu'elle se présente ?

L'existence précède l'essence... ben, non, M. Sartre. Désolé. Moi, je pense aujourd'hui que c'est l'essence qui précède l'existence. Je suis, j'existe. Ne vous en déplaise. Je n'ai pas envie de donner un "sens à ma vie". Je me contente d'exister et c'est bien comme ça. Je prends pas la vie comme elle vient.

C'est ça, être libre.

Oui, c'est aussi être égoïste, je le concède. Mais peut-être que le prix de la liberté, c'est d'être égoïste. Alors, oui, je suis égoïste.

Alors, qu'attends-tu pour la Californie ? Fonce !

Il faudrait déjà définir ce que signifie être libre.

Si je m'en tiens à la Constitution, la liberté consiste à faire ce qui ne nuit point à autrui. Donc s'il n'y a pas d'autrui, si on vit seul, on peut faire ce que l'on veut. Si l'on ne vit pas seul, parce qu'on ne sait pas faire pousser son blé et pêcher se truite, fabriquer ses vêtements et se construire un toit, bref si l'on a besoin des autres alors il y a forcément des contraintes.

Il n'y a pas de liberté sans contraintes parce que sinon, ça veut dire que si deux personnes ont des volontés antagonistes, c'est le plus fort qui gagne, bref, l'absence de contrainte c'est la loi du plus fort et il n'y a pas de situation plus éloignée de la liberté que ça.

Donc qui dit liberté dit contrainte et à l'échelle d'une communauté, ça génère forcément un système : système de coutumes, système de croyances, systèmes législatif…

Comme pour beaucoup de choses, la question est donc surtout de savoir où on place le curseur : la liberté de s'exprimer permet-elle de tout dire ou bien doit-on la restreindre et interdire la diffamation et l'incitation à la haine ?

Gorak a écrit:

L'existence précède l'essence... ben, non, M. Sartre. Désolé. Moi, je pense aujourd'hui que c'est l'essence qui précède l'existence. Je suis, j'existe. Ne vous en déplaise. Je n'ai pas envie de donner un "sens à ma vie". Je me contente d'exister et c'est bien comme ça. Je prends pas la vie comme elle vient.

C'est ça, être libre.

Oui, c'est aussi être égoïste, je le concède. Mais peut-être que le prix de la liberté, c'est d'être égoïste. Alors, oui, je suis égoïste.

Je sais pas si la liberté est vraiment antagoniste avec cette idée de "projet de vie". Toi tu veux vivre en Californie, DONC tu as un projet de vie, une aspiration, qqch qui te pousse vers l'avant. Pour moi, qq1 qui n'a pas de projet de vie, n'a pas d'envie/rêve/aspiration, à part un légume, j'vois pas...
Et donc, il faut exister (même voire même être conscient de soi et de son entourage) pour avoir un projet/une essence. Je vois pas ce qui pourrait avoir une essence avant d'exister (à moins que j'ai pas compris la question ou le sens d'essence )

Dagonides a écrit:

Alors, qu'attends-tu pour la Californie ? Fonce !

Bof, tu sais, je crois que cela restera un projet sans aboutissement. Comme tant d'autres. Je suis comme ça, tu sais : j'ai toujours des rêves, des idées, des envies et finalement, elles restent lettre morte.
Je rêve beaucoup mais je passe rarement à l'action.

Et puis, je ne suis pas non plus du genre à me fixer quelque part et y rester.

C'est comme demander quels sont mes goûts ou mes affinités. J'en ai tellement plusieurs ! J'aime tout, tu sais. Je suis très éclectique dans mes choix. Je ne puis me présenter comme passionné par quelque chose plutôt qu'une autre. Je n'ai jamais su me fixer sur un domaine précis.

En littérature, je n'ai pas d'auteur fétiche.
En cinéma, j'aime tous les genres.
En musique, je bouge sur tous les rythmes.

Je ne sais pas, je n'ai jamais su faire un choix.

En politique, c'est la même chose : je peux suivre un candidat, voter et militer pour lui et quand il sera en place, ne pas hésiter à le critiquer.
Je suis comme ça. Je passe d'une chose à l'autre sans jamais m'y fixer définitivement.

C'est pourquoi, au final, mon ami, je suis insaisissable. On ne peut me catégoriser. Certains diront que je n'ai aucune conviction, que je suis velléitaire, mais cela ne m'importe peu. C'est là-dessus que, finalement, est fondé ma propre liberté.

Liberté de rêver, surtout.

Peur de m'engager ? Peut-être. Peut-être ais-je peur, au fond, de ce que la réalité pourrait m'apporter. Le rêve est toujours plus rassurant.

Cela ne m'empêche pas d'être heureux, tu sais. Je ne prends aucun antidépresseur. Je ne suis jamais stressé, aucun risque de "burn-out", je me contente de vivre et de faire ce qui me plait dans la vie.

Alors, non, vois-tu, je n'irais probablement jamais m'installer en Californie mais en avoir suggéré l'idée, caressé ce rêve dans mon esprit, me fait davantage de bien que si je l'avais réalisé, peut-être même davantage.

Je sais que je vieillirais tranquillement chez moi, sans jamais avoir construit quelque chose de durable. Juste entouré de mes livres, de mes films, de mes jeux et de mes rêves. Je me serais, tout au plus, contenté de faire quelques voyages dans des endroits qui me plaisent, d'assister à des expositions, des conférences, d'avoir rencontré des amis mais pour le reste, au final, tu me trouveras toujours à la même place, au même endroit, sans que rien n'ait changé dans ma vie.

Je suis comme un voilier solitaire... sauf qu'au lieu d'aller se perdre à l'autre bout du monde, il revient toujours à son port d'attache.

Ma liberté à moi, elle est là. C'est celle de rêver et c'est juste suffisant.

Je suis un Artiste dans mon genre et j'ai l'âme rêveuse.

Gorak a écrit:

Je sais que je vieillirais tranquillement chez moi, sans jamais avoir construit quelque chose de durable.

Ah, en fait c'est ça le fond de l'affaire.

Tu serais pas en train de nous faire une petite crise métaphysique toi ?

cdang a écrit:

Gorak a écrit:

Je sais que je vieillirais tranquillement chez moi, sans jamais avoir construit quelque chose de durable.

Ah, en fait c'est ça le fond de l'affaire.

Tu serais pas en train de nous faire une petite crise métaphysique toi ?

Possible. Mais alors elle a commencé à l'âge de 20 ans... tu vois ça remonte loin...

Moi je m'en suis fait une grosse à 17 ans, j'ai guéri ça en enchaînant les déboire sentimentaux pendant presque 10 ans ya rien de mieux qu'un mal pour faire oublier l'autre. Maintenant, ça va mieux, je vis pour vivre

En tous cas, ce titre ferait un bon sujet de philo pour le bac. Au premier abord, j'ai pensé dans un cadre rousseauiste à comparer la liberté dans l'état de nature à celle dans le contrat social, puis je me suis intéressé au mot "système", dont on ne sait finalement jamais ce qu'il recouvre tant il est employé à tort et à travers pour ne plus être parfois qu'un élément de communication (tout le monde se revendique "hors-système"), et qui peut tout aussi bien désigner la société qu'un système idéologique ou politique. Bref, je n'y passerai certainement pas quatre heures, mais ça me donne à réfléchir.