L'autre jour, je suis allé m'acheter du Coca au Inter.
Ne dites pas que vous ne l'avez jamais fait. En plus j'ai pris du sans sucre, sans caféine.
Un moment, j'ai hésité à m'acheter aussi un truc salé à grignoter ou pour le dîner, mais je me suis rappelé que mon voisin m'avait filé des tomates.
Et là, le lecteur de cette chronique se dit : le pauvre Dago a fondu un fusible. Et non, cher lecteur patient. Ce prolégomène est là pour amener en douceur l'élément perturbateur. Donc, laisse-toi donc perturber, doux lecteur.
Je traverse donc le rayon piles / petit bricolage / croquettes chats & chiens / librairie. Car on a le sens de la synthèse dans mon Intermarché. Et là, qu'est-ce qui me tend les bras, entre un album Mon Poney Magique et deux-trois romans de chik-lit ? La série Cluedo au grand complet - ou peu s'en faut. Depuis le temps que je me dis que j'en voulais un ! Moi qui n'ai jamais joué une partie de Cluedo. Mais j'ai vu l'adaptation en film, et des épisodes de série télé inspirés. Et surtout, j'ai lu le classique à l'origine du jeu : Les Dix Petits Nègres d'Agatha Christie.
Bon, donc je prends et je me rends à la caisse avec ma bouteille de Coca. J'ai attrapé du pain au passage, aussi.
De retour chez moi...
L'intro (règles, petit récit introductif) sont un modèle de concision. Les invités au dîner mortel (une variation sur le dîner de con, apparemment) sont présentés en quelques mots. On reconnaît les personnages classiques du jeu : Madame Rose, Monsieur Violet, etc. C'est la version années 2010 ; il n'y a plus le classique Colonel Moutarde avec son homérique paire de moustaches et son lorgnon. Dommage d'ailleurs, ça avait son p'tit charme désuet, ces vieux personnages. Là, on a un sportif en survêt rouge, une actrice qui pleurniche, une avocate aux dents qui rayent le parquet... Les photos choisies reflètent une société multiculturelle, ça c'est bien ; par contre les personnages tirent tous une tête à leur donner des claques : regard provoquant ou air suffisant.
NB, dans les autres tomes, on joue un de ces six personnages. Mais ici, on incarne un anonyme non listé. J'aurais bien aimé choisir le nom de mon personnage : Monsieur Pourpre, par exemple. Ou Le Révérend. Ou Inspecteur La Bavure.
Ensuite, la liste des armes possibles... liste qui ne jouera aucun rôle. Dommage, j'aime assez le dessin du pistolet à six canons, c'est rigolo. Ça doit être ce qu'on appelle un six-coups.
Premiers paragraphes courts et simples (c'est écrit pour des enfants) au présent et en tutoyant le lecteur. Des dialogues bien écrits : simples mais qui amènent le sujet, font avancer le récit, et caractérisent chaque personnage. Celui qui se la joue et coupe la parole, celle qui pleurniche ou se tait pour jeter des regards énamourés, celui qui joue les conciliants, etc. Le récit : le Dr Lenoir réunit ses amis dans son manoir, un soir de tempête. La conversation tourne bientôt autour du tableau de famille maudit. Un pari s'ensuit, et au matin, le Doc est mort. Comme on l'avait pas vue venir, celle-là ! La police est appelée, mais avec les chemins de campagne transformés en piscines olympiques par la tempête, il va lui falloir une bonne heure pour venir. Juste le temps de mener une petite enquête...
Si ça avait été un film moderne, le héros enquêteur aurait bien sûr été le coupable. Ça aurait été le twist final. Mais là, ce sera beaucoup plus basique. Le premier / la première venu(e) peut décider de tuer sur un coup de tête, et ce sera un des six personnages listés. Le majordome est mis hors de cause tout de suite car « tu le connais depuis des années » (la belle raison ! 9 fois sur 10, un assassin est un proche qui connait bien sa victime !).
S'ensuit une enquête. Beaucoup de parcours possibles, tous courts, sauf le bon. Point embêtant, on est souvent "forcé" dans un parcours : on ne nous laisse pas revenir en arrière, on ne nous donne pas le choix d'une action qui serait logique au vu de ce qu'on vient de découvrir. Le livre décide trop pour nous. Il y a deux fins victorieuses (selon la personne avec qui on a fait alliance) et une fin en demi-teintes (on a trouvé juste mais le/la coupable a eu le temps de s'enfuir). Et un bonne dizaine de PFA assortis d'une petite leçon de morale de l'auteur :
« Tu t'es fait assommer en fouillant la chambre de Monsieur ou Madame Truc, bien fait petit frippon, tu devais te douter que le meurtrier était dans la maison, que n'as-tu requis l'aide d'un compagnon ? »
« Sois plus prudent, petit scarabée, n'entends-tu pas la porte qui claque et la voiture qui démarre ? Le ou la coupable se carapate suite à tes révélations ! »
« Rho-là-là, tu accuses sans preuve, vil sacripan, qu'est-ce que tu croyais donc ? »
Je note toutefois que sur le bon chemin, on n'a pas beaucoup plus de preuves que ça non plus. Des preuves circonstancielles, comme ils disent dans les séries policières. Le ou la coupable est bien gentil(le) de reconnaître son geste et de se laisser embarquer dans le panier à salade.
En parlant de salade, y a des tomates qui ne demandent qu'à se faire assaisonner (voir plus haut), il est donc temps de mettre une note. Bon, c'était distrayant, vite lu, sans prétention, efficacement écrit pour ce qui est des personnages. Mais moins efficacement pour ce qui est de l'ergonomie du jeu : parcours linéaires et sans vrais choix, on doit trouver le bon chemin par hasard ou en essayant tout. J'aurais voulu des illustrations, notamment le fameux TABLEAU MAUDIT, et moins de chemins en impasse (PFA). Un manque criant : le PLAN du manoir ne figure pas dans ce volume. Comme Lowbac le dit dans sa critique du tome 3 : il faut lire un ouvrage de la série pour se faire une idée, mais ça n'ira sans doute pas plus loin.
Note : 13/20 (mais à la réflexion, après coup je devrais la baisser à 10 ou 11).