En cet automne 2022, je me suis attaqué à
Chrysalide de l’éminent Outremer, pour en retirer comme de coutume dépaysement et plaisir ludique.
Le cadre s’en révèle identique à celui de
Soixante-dix minutes dans la vie d’une mercenaire : un futur dystopique et ultralibéral, où les multinationales rivalisent dans la recherche scientifique sans se soucier d’éthique, où l’espionnage industriel s’est institutionnalisé, et où l’esclavage pour dettes s’avère une pratique courante (bien qu’officieuse).
En l’occurrence, un concept appelé « néomorphose », appliqué à l’être humain, l’immunise contre les maladies, rallonge sa durée de vie, accroît ses capacités physiques et sensorielles, et lui permet même de changer d’apparence. (Pour le reste, la technologie reste similaire à celle du XXème siècle, car on apprend dès les premières lignes qu’un mouvement nommé « Rejet » a mis un terme à l’« Epoque des Machines » et bridé les avancées technologiques pour les maintenir dans un « juste milieu ».)
Dans ce contexte, nous incarnons, et c’est original, une paire d’espions, une femme et un homme, Dioné et Reuel. Dioné est une courtisane de luxe d’une beauté exceptionnelle, qui aspire à se libérer de l’emprise de son souteneur. Reuel est défini comme « caméléon bipède », capable de prendre l’apparence de n’importe quel individu (comme dans
Terminator 2,
L’aventure intérieure et
Le gendarme et les extra-terrestres). Au début de l’aventure, il porte les traits de l’homme d’affaires Nikolaï Krylov (mais il changera évidemment de visage pendant la mission).
Mandatés par un employeur non mentionné, tous deux sont chargés de collaborer pour infiltrer une résidence des dirigeants de l’entreprise Chrysalis, située près de Toulouse, lors d’une réception mondaine célébrant l’aboutissement de leur dernier projet, et de dérober les documents ultra-secrets relatifs à cette découverte. Comme dans le théâtre classique apparaissent les unités de temps, de lieu et d’intrigue.
Nous prenons alternativement les commandes de Dioné ou de Reuel au fil de l’aventure, le parcours de l’un pouvant impacter celui de l’autre. Il s’agira d’abord pour nos deux complices d’un soir de rassembler la clef et le code du coffre-fort où est conservé le fameux dossier. Avec l’angoisse constante de se faire démasquer par le service de sécurité omniprésent !
Cette soirée dans une atmosphère feutrée, fastueuse et libertine amène forcément (et pas uniquement pour Dioné) son lot de scènes de sexe, mais rien de choquant. (sunkmanitu évoque judicieusement le film
Eyes wide shut, mais l’orgie huppée ne figure pas dans la scène finale. Pour ma part, j’ai pensé à une planche de la BD
Péché mortel où dans un environnement opulent des prostituées sont offertes à des dirigeants politiques ultra-conservateurs.)
- A noter que... :
A noter que la seule scène saphique a lieu au paragraphe… 69.
La difficulté sera corsée par le fait que d’autres limiers, œuvrant pour d’autres multinationales concurrentes, sont sur la même piste. En écoutant aux portes du poste de contrôle, nous apprenons qu’un autre espion vient d’être démasqué. Et une fois en possession des papiers, la seconde partie consiste à nous exfiltrer en échappant notamment aux ninjas de l’entreprise rivale Hamada.
Mais pour quelle révolution scientifique tous ces hommes de main en viennent-ils à se crêper le chignon ? Il est possible de terminer l’aventure sans même la connaître !
- En fait... :
En fait, le service Recherche et Développement de Chrysalis a rendu possible la néomorphose cérébrale, autrement dit la télépathie. Ce qui a permis à la cobaye prénommée Eveline de découvrir que l’un des trois dirigeants de la société escroque les autres.
Tout au long de notre aventure, comme souvent dans les AVH d’Outremer, au gré de notre parcours et de nos choix nous récoltons des codes, sans nécessairement connaître leur portée positive ou négative. C’est essentiellement vers la fin que ceux-ci, retraçant en quelque sorte notre parcours et nos choix, nous permettront (ou non) de franchir les derniers obstacles et de nous échapper victorieusement de la villa.
Quant aux paragraphes de réussite, ils demeurent ouverts.
- Spoiler:
Quel avenir attend Reuel qui compte se retourner contre son employeur et se mettre à son compte ? Dioné va-t-elle enfin jouir de sa liberté ou se faire liquider sur-le-champ ?
Personnellement, en me tenant au bon sens, j’ai réussi à la deuxième tentative déjà, ce qui m’a quelque peu frustré je l’avoue. Mais bien entendu, j’ai recommencé l’aventure encore et encore, jusqu’à en avoir déniché tous les codes et toutes les issues, même les culs de sac, glanant au passage des informations qui m’avaient échappé jusque-là. Fidèle à son habitude, Outremer qui n’est pas Livingstone ménage plusieurs parcours possibles, ce qui invite à la relecture.
Et, pour terminer comme un paragraphe 400 standard mais sincère, au final j’ai rangé cette AVH avec le sentiment reconnaissant d’avoir vécu un moment captivant.